L’article suivant date un peu mais n’a, paradoxalement, rien perdu de son actualité. Ce ne sont évidemment pas les simili-accords seniors élaborés à la hâte dans les entreprises qui ont changé quoi que ce soit au problème. Le problème de l’emploi des seniors a ceci de particulier qu’il concerne tous les salariés, ce qui le rend d’autant plus crucial.

L’assourdissant silence du MEDEF sur les seniors

La France a peut-être « besoin d’air », comme le proclamait le titre du livre qu’elle a publié début 2007, mais Laurence Parisot, elle, n’en manque pas. La présidente du Medef a même un sacré toupet. Depuis l’été dernier, elle martèle que l’allongement de la durée de cotisation à quarante et un ans ne suffira pas à garantir le financement des retraites – ce qui est exact – et qu’il faut donc retarder l’âge légal de départ à la retraite. À combien ? Soixante-trois ans et demi, a-t-elle précisé courant mai.

Seul inconvénient sur lequel le mutisme de Laurence Parisot devient pesant : la quasi-totalité des entreprises (qu’elle représente) n’ont pas changé d’un iota leur politique d’éviction des seniors depuis la réforme Fillon de 2003. Avec un taux d’emploi des 55-64 ans qui atteint péniblement 38,3 % (contre 37 % en 2003), la France est à la traîne en Europe (44 % en moyenne), très loin derrière des pays aussi différents que la Suède (70 %) ou le Royaume-Uni (57,4 %)…

Chiffre biaisé ! s’insurge la dirigeante patronale, notre âge légal de départ à la retraite (60 ans, contre 65 dans beaucoup de pays européens) faisant mécaniquement baisser le taux d’emploi hexagonal pour cette tranche d’âge. Malheureusement, les statistiques plus fines ne laissent planer aucune ambiguïté : seul un Français sur quatre a encore un emploi à 60 ans. Et pour cause : l’âge est – dans les testings – le principal facteur de discrimination à l’embauche, et les quinquas sont les premiers à être mis au rebut en cas de difficultés de leur entreprise. Or la prolongation de la durée de cotisation comme le recul de l’âge de la retraite n’ont de sens que si la durée d’activité s’allonge effectivement. À défaut, le coût de l’inactivité des salariés âgés est supporté par l’assurance chômage, par l’État et par les intéressés eux-mêmes, qui doivent arbitrer entre une retraite précoce, donc modeste, ou une longue période peu rémunératrice au chômage. Sans compter le manque à gagner – de moindres rentrées de cotisations – pour les régimes de retraite.

Visiblement, le Medef n’en a cure. Laurence Parisot ne fait en effet rien pour sortir le patronat de sa schizophrénie actuelle : discours « vertueux » au sommet, comportement aux antipodes sur le terrain. Qu’attend son mouvement pour lancer une vaste campagne de mobilisation des entreprises, impulser des négociations de branche, diffuser les bonnes pratiques en faveur de l’emploi des salariés âgés ? À l’inverse, le Medef préfère contester la fiabilité du thermomètre. Il fait feu de tout bois – avec succès – pour s’opposer aux mesures contraignantes envisagées par le gouvernement. Et il s’ingénie, en imposant des conditions inabordables, à faire en sorte que la prise en compte de la pénibilité du travail – juste contrepartie du recul de l’âge de la retraite – ne coûte pas un kopeck aux entreprises. Au point de plomber la négociation sur le sujet. Laurence Parisot entend, avec raison, moderniser l’image du patronat. Mais c’est un Medef très canal historique qui se dévoile sur les seniors.

Editorial de Liaisons Sociales Magazine, n°93 du 01/06/2008

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