“L’open space m’a tuer” que nous avions présenté le 16 octobre dernier, sort déjà en Livre de Poche ce qui est une bonne nouvelle pour ceux qui ne l’auraient pas encore acquis. Il est donc possible aujourd’hui d’acquérir ce succès de librairie pour 6 petits zeuros.

Les auteurs, Alexandre des Isnards et Thomas Zuber nous proposent , à travers des saynètes qui respirent le vécu, une critique humoristique mettant en scène le quotidien de nombreux cadres et consultants d’entreprises modernes. Management prétendument participatif, profils stéréotypés, anglicismes jusqu’à la nausée, dépendance pathologique au BlackBerry, positive attitude de rigueur, tics verbaux, week-ends de motivation… etc. Tout y passe et c’est un véritable festival de toutes les bouffonneries tendance, un concentré des ridicules du temps relayés avec beaucoup de sérieux par de nombreux “coachs” jamais en retard d’un conformisme et certains “news” qui en font commerce.

Les courts extraits suivants devraient en dire davantage que de longues périphrases.

Au chapitre “Je suis charrette” les auteurs raillent la comédie humaine imposant aux cadres, dynamiques évidemment, de feindre le débordement perpétuel et l’hyperactivité. Voici un aperçu du carnage.

“Ayez toujours l’air pressé. Courez dans les couloirs, avec un dossier sous le bras de préférence, même si vous allez aux chiottes. Réapprenez au plus vite tout ce que votre mère vous a défendu pendant votre enfance. Claquez les portes, raccrochez violemment le téléphone quand il est nécessaire de paraître en colère. Si vous recevez un appel perso, répondez : “Je te rappelle plus tard, car là, je suis sur un truc chaud !”
A votre retour de vacances, participez au concours de celui qui a reçu le plus d’e-mails en vous exclamant d’un air faussement ennuyé : “Putain, 350 e-mails !, et passez votre journée à effacer les newsletters et les messages perso. En fin de journée, balancez dans l’open-space un : “J’ai l’impression qu’il va falloir que je vienne aux aurores !” Si vous êtes restés tard, n’oubliez pas d’envoyer un e-mail “Pour info” à votre supérieur, qui sera bien daté du 28 septembre à 23 h 12. En fin de semaine, partez avec votre ordinateur portable, même si c’est pour mater des DVD dans le train.”

Au chapitre “Le nouveau wording”, c’est la moquerie sans pitié d’un vocabulaire stéréotypé et fortement anglicisé.

“Les expressions stéréotypées pullulent à l’écrit comme à l’oral. Au hit-parade des plus tendance “Je reviens vers toi” ou “Il n’y à pas de souci”. Des formules toutes faites qui évitent de chercher ses mots. Gommons les équivoques, les hésitations.
“Je me rapproche de Gérard et je reviens vers toi dès que possible concernant les soucis en termes de planning”.

Dans le chapitre “On va les défoncer”, épinglant un certain type de management, la critique est acérée.

“Accessible (tutoiement), ouvert (open space), le nouveau management joue sur un registre plus intime, plus participatif. De l’extérieur, cela donne envie. De l’intérieur, on se rend compte que rien n’a changé : sur fond d’imposture, d’attaques personnelles, de “toxicité émotionnelle” (comme disent les “behaviouristes” américains) et de dictature du bonheur, les rapports sont violents et les hiérarchies bien présentes”.

Un chapitre est bien entendu consacré à l’open space, ce qui est bien le moins compte tenu du titre de l’ouvrage. Ce chapitre s’intitule “Open stress“… tout un programme !

“Rien de dramatique, c’est la vie en communauté, mais en aucun cas le paradis convivial mis en avant par les space planners. Si vous interrogez un consultant après un an d’open space, il donnerait sa mère pour avoir un bureau fermé. Si vous prenez les derniers sondages, les jeunes cadres trouvent l’open space en majorité “plutôt gênant”, voire “carrément insupportable”.
(…)
“L’open space ressemble à un petit village où les petits vieux observent ce qui se passe dans les rues à travers les persiennes. Les petits vieux, ce sont les Vincent, Guillaume, Sonia and Co, des consultants ni langue de pute ni délateurs, mais des personnes qui jugent. Tout le monde surveille tout le monde. Tout le monde s’entend, se voit, s’épie. Des bruits de couloir, des rumeurs, des réputations se construisent peu à peu”.

Impossible de citer toutes les perles trouvées dans des chapitres au titres évocateurs: “Positive attitude” dans lesquels les auteurs nous décrivent la “dictature du bonheur” : “sourire corporate” et mise en avant des best practices de rigueur…

D’autres chapitres valent leur pesant de stocks option et parmi eux “Deep pression” où l’on nous parle de l’inévitable “stress positif”, puis ce sont “Time shit”, “Je phase pas mal avec ton autoéval”, “Sois entrepreneur de ta carrière !”, “Il faut bouger !”, “Une promo ? non merci !”, “T’es consultant ? Ouah, c’est génial !”.

Bref, un livre à acheter de toute urgence et qui mérite amplement de sacrifier au moins une fois ou deux “Plus belle la vie” ou “Nouvelle Star”. A vous de voir.

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