Nous avons souvent alerté sur l’état des équipes des agences et divers sites mais, cette fois, la situation devient véritablement intenable si l’on en juge à nos contacts et aux remontées qui nous sont faites quotidiennement. Bien sûr, l’année aura été éprouvante pour tous et cette situation de double confinement, unique dans notre histoire et notre passé sanitaire aura lourdement impacté les esprits et le moral des troupes. Jamais les médecins n’ont autant consulté pour des troubles de l’anxiété, l’insomnie ou la dépression.

 

Pendant ce temps, notre entreprise, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, s’enferre dans le seul mode de fonctionnement dont elle dispose, sur fond de déni de la situation. Il faudrait, selon les directives, en faire encore et toujours plus. Toujours plus de reporting, de propositions actives – en mettant à jour le TAC PA ! – toujours plus d’appels téléphoniques et selon des incitations plus ou moins directes, toujours plus de visites physiques.

La direction apparait complètement déconnectée du monde réel, de la situation et s’acharne à maintenir un système qui n’est plus de mise. Un DA me demandait récemment “sont-ils sur une île déserte?”. Du genre îles Vierges ou Caïman, légendaires paradis fiscaux. Ne voyez-là aucune allusion malveillante !

Ce qui frappe le plus, ce sont les idées fixes, les fixettes comme l’on dit familièrement, de la direction. Il y a eu l’époque d’Expert puis de Spring. Rien ne comptait plus que cette entité qui pourtant ne pesait pas 5% du chiffres d’affaires Adecco France et encore moins de ses résultats. Plus rien n’existait autour et le DA “General Staffing” qui réussissait à boucler son année à plus de 100, 200 ou même 300 k€ de résultats nets n’intéressait plus personne et ne semblait guère valoir plus qu’un pet de lapin.

Plus récemment, la fixette porta sur les folles espérances placées dans le réseau PME, aujourd’hui à l’épicentre de grandes manœuvres, puis ce fut le CDI intérimaire. Matin, midi, soir et entre deux, les injonctions se multipliaient, la pression, les relances, les remontées de tableaux : on eut dit que notre métier ne consistait plus qu’à augmenter le nombre de CDI intérimaire. Aujourd’hui la nouvelle lubie porte sur l’apprentissage – source de main-d’œuvre low-cost – et surtout le CDI apprenant. Nouvelle frénésie,nouveaux tableaux, pression renforcée… il faut produire du CDI apprenant à tour de bras ! Big Boss l’a dit : 3 000 cette année et 15 000 en fin d’année prochaine, s’il-vous-plait.

Le problème c’est que la pression porte aujourd’hui sur tous les sujets en même temps et que le cadre, Directeur d’agence, de Hub, de site ou d’une fonction support ne sait plus où donner de la tête. C’est à devenir fou nous confiait récemment l’un d’eux. Cette tension permanente provoque l’impression toxique de ne jamais être à jour, ni même à niveau ; d’être toujours en défaut voire en faute, incompétent ou mal organisé. Elle crée le doute, la dévalorisation de soi mais aussi, assez rapidement, l’épuisement physique et moral. Mais surtout, cette tension permanente est pathogène : si s’allonge trop le temps d’exposition, elle rend malade mentalement et physiquement.

Aujourd’hui, comme nous le disent nos collègues cadres et non cadres, il n’est plus possible de s’impliquer dans son métier. Les commerciaux ne sont plus en vente, les recruteurs ne recrutent plus. Tous sont ballotés dans un océan d’obligations administratives, de remontées d’information, de procédures, de logiciels. Le tout sur un fond diffus de directivité, de flicage et d’hyper-contrôle. Pendant ce temps, l’entreprise continuer à gagner de l’argent en pressurant tout ce qui peut encore l’être. Les NAO, les dernières mesures concernant la mutuelle et la politique auto en apportent des preuves supplémentaires : l’essorage ne s’arrêtera pas de sitôt. Nous reviendrons prochainement sur ces derniers points.

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