Cet article du Monde résume parfaitement la situation : les accords seniors imposés par le gouvernement ne sont le plus souvent qu’un assemblage de bonnes intentions et de mesurettes sans grande portée opérationnelle. Le mal français sur le sujet – la France se trouve largement à la traîne des nations européennes sur la question de l’emploi des seniors – justifiera des médecines nettement plus énergiques. Faute de quoi le débat sur l’allongement et même le simple maintien de l’âge de la retraite demeurera vaine jacasserie.

 

Les entreprises rechignent à garder leurs seniors et encore plus à en embaucher

Les sociétés d’au moins 50 salariés avaient jusqu’au 31 janvier pour négocier un accord

En septembre 2008, elle a craqué. A 54 ans, Michèle (son prénom a été modifié) était gestionnaire de l’approvisionnement dans un groupe de distribution de biens culturels. ” Je n’étais pas augmentée, mes demandes de formation étaient refusées. Lors de la mise en place d’un plan de départs dit “volontaires”, la direction a fait pression pour que je m’en aille “, raconte-t-elle.
Elle a négocié son départ. Depuis, elle pointe à Pôle emploi, avec le sentiment d’être ” doublée par les jeunes “. Alors Michèle ne comprend pas : ” On nous dit qu’il va falloir travailler plus longtemps mais en même temps, on fait comprendre aux plus de 50 ans qu’ils sont des “has been.” “
Inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, le plan seniors va-t-il changer les mentalités et relever le taux d’emploi des 55-64 ans. Celui-ci est de 38,9 %, contre une moyenne européenne de 46 % ? Les entreprises d’au moins 50 salariés avaient jusqu’au 31 janvier pour négocier un accord sur trois ans, en faveur de l’emploi des seniors, sous peine d’être taxées à hauteur de 1 % de leur masse salariale. Les PME de 50 à 300 salariés couvertes par un accord de branche échappaient à la pénalité. Celles qui ne l’étaient pas ont eu un sursis, jusqu’au 30 avril.
Fin mars, 80 % des 17 millions de salariés étaient couverts par un accord ou un plan, selon le bilan quantitatif provisoire du ministère du travail. Impossible cependant de savoir, pour l’instant, combien d’entreprises ne sont pas en règle. L’Urssaf relèvera les copies au cours de l’année, avant d’envoyer la note des pénalités aux récalcitrantes en 2011.
Ces accords et plans d’action devaient contenir des objectifs chiffrés relatifs au maintien dans l’emploi des plus de 55 ans ou au recrutement des plus de 50 ans ainsi que dans trois domaines au choix parmi cinq (évolution des carrières, amélioration des conditions de travail, etc.) Globalement, les entreprises ont rarement inscrit des objectifs de recrutement, misant plutôt sur leur maintien dans l’emploi. Les objectifs sont très modestes. Microsoft, par exemple, veut maintenir à 1 % la part des plus de 55 ans dans ses effectifs ; Auchan veut passer de 6,1 % à 6,71 %. ” C’est déjà ça mais sans objectifs de recrutement, le marché de l’emploi seniors ne va pas s’élargir “, souligne Michel Yahiel, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), très ” dubitatif “ sur l’effet du plan. Le temps partiel en fin de carrière a été plébiscité mais il est rarement compensé en salaire, sauf dans des entreprises comme Thalès. Le tutorat aussi est un grand classique, mais en général non rémunéré sauf chez Carbone Lorraine. Pour Laurence Légo, secrétaire nationale CFDT, ce plan seniors aura peu d’impact, car ” dans beaucoup d’accords, il n’y a pas d’avancées “.
En 2011, le ministère du travail lancera une étude sur le contenu des accords et plans, et une autre en 2012 sur leur mise en œuvre. Le taux d’emploi des 55-64 ans sera sans doute pris comme un indicateur de réussite.
Mais il faudra tenir compte d’un effet en trompe-l’oeil. ” Ce taux aurait dû baisser ces dernières années sous l’effet de l’accroissement du nombre de seniors de 60-64 ans, explique Serge Volkoff, directeur de recherche au Centre d’études de l’emploi. Or, il a augmenté de 37 % en 2003 à 38,9 % en 2009. “ Une hausse due à plusieurs facteurs, dont l’accroissement du taux d’activité des femmes des générations d’après-guerre.
M. Volkoff remarque que ” le dispositif de départ anticipé en retraite pour les salariés ayant effectué une longue carrière se termine “. Que les 60-64 ans, dont le taux d’emploi est plus faible, ” pèsent de plus en plus mais cela va cesser dès 2011 quand les premiers baby-boomers atteindront les 65 ans. Leur poids restera alors étalé pendant une quinzaine d’années. Et pendant une bonne période, la hausse du taux d’activité féminin va continuer à tirer le taux d’emploi des seniors. “ Au total, dit-il, ” on peut donc espérer que ce dernier va continuer à croître. “ Avec ou sans plan seniors.
Francine Aizicovici
Source : Le Monde, 17 avril 2010

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