Dans une rentrée sociale entièrement accaparée par la réforme des retraites, c’est du côté du marché du travail qu’il faut aller chercher les surprises. Contre toute attente, la job machine a redémarré en France. Alors que les experts pronostiquaient la poursuite des destructions massives au cours des six premiers mois de l’année 2010 et évoquaient le chiffre astronomique de 100 000 emplois perdus, le solde est positif, de 60 000 postes pour les deux premiers trimestres. La reprise des embauches s’avère donc aussi soudaine que la crise a été violente.
Ce qui veut dire que les entreprises n’ont pas réitéré le scénario de 1993, en stoppant durablement leurs recrutements. Pourtant, la secousse a été encore plus forte. En 2008 et 2009, il y aura eu autant d’emplois détruits que durant les trois années noires de 1991, 1992 et 1993, marquées par la guerre du Golfe puis la crise du système monétaire européen.
Autre enseignement de cette embellie, l’arbitrage classique entre emploi et salaire a plutôt joué, contrairement à l’habitude, en faveur des outsiders que des insiders, des candidats à l’emploi que des salariés en place. Les DRH ont serré les cordons de la bourse cette année, consacrant des enveloppes modestes aux revalorisations salariales. Et 2011 risque fort d’être du même acabit, puisque les cabinets spécialisés tablent sur une augmentation des rémunérations de l’ordre de 2,5 à 2,7 %, bien en deçà des 3 à 3,5 % qui étaient devenus la norme au cours des dernières décennies. D’ailleurs, les cadres ne s’y trompent pas. Moins d’un tiers d’entre eux s’attendaient à être augmentés cette année. Parions qu’ils ne seront guère plus optimistes pour l’année prochaine.
Cette modération salariale serait mieux comprise, à défaut d’être acceptée, si elle était annonciatrice de créations d’emplois durables. C’est bien là que le bât blesse. Comme en 1993, la crise a été dévastatrice pour l’emploi précaire, en particulier le travail temporaire, qui a supporté, au total, plus des trois quarts de ce brutal « ajustement » conjoncturel. Dans l’industrie, la moitié des effectifs intérimaires a fondu en l’espace d’un an et, dans les services marchands, ce sont les salariés en contrat à durée déterminée qui ont fait les frais de la récession économique. Or tous les indicateurs montrent que les entreprises ont, aujourd’hui, massivement recours à cette forme de flexibilité externe et sont en train de reconstituer leurs bataillons d’intérimaires et de CDD. Parfois même alors que des plans sociaux sont en cours.
Cette vague d’embauches constitue une opportunité pour les demandeurs d’emploi, et surtout pour les jeunes. Mais elle leur offre peu de perspectives de carrière. Si les créations d’emplois du premier semestre sont bonnes à prendre, elles accentuent la singularité de notre marché du travail, composé d’un stock de CDI et d’un flux de contrats courts.
Source : WK CE 

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