Manque de moyens, complexité des affaires, nouveau barème
d’indemnités (ordonnances Macron) : les Prud’hommes sont en pleine
évolution. Interview croisée avec Gérard Behar (
conseiller prud’homal et expert CFE-CGC) et Marc-Antoine Marcantoni, conseiller prud’homal et responsable pédagogique de la formation des conseillers prudhommaux CFE-CGC.
 

Où en sont les réformes des conseils de prud’hommes (CPH) ? 

Gérard Behar
: Les réformes successives poursuivaient trois buts : faire des
économies financières, réduire le temps de rendu des décisions et
relancer l’emploi. On remarque qu’elles n’étaient pas dans la recherche
d’un jugement de qualité, qu’elles se sont faites au détriment de
l’aspect l’humain et que la relance de l’emploi n’est pas constatée.
La
fusion des tribunaux d’instance et de grande instance au sein du
tribunal judiciaire devait rassembler également les conseils de
prud’hommes. Ce projet a été abandonné mais nous constatons que le corps
des greffiers et des adjoints administratifs dédiés aux prud’hommes est
en sous-effectif, et qu’aucun moyen d’y remédier n’est actuellement
proposé.

Marc-Antoine Marcantoni : Je suis
conseiller prud’homal à Nanterre (92). Le conseil de prud’hommes est
obligé de fermer le greffe quatre jours sur cinq, faute de personnel.
Les dépôts de requêtes se font donc soit uniquement le mardi soit de
manière dématérialisée.


  • « S’il n’est pas prévu de fermer des conseils, certains ont réduit leur nombre d’audiences »

Il y a aujourd’hui 210 conseils de prud’hommes en France. Certains vont-ils fermer ?G.B. :
Il n’est pas prévu de fermer des conseils, mais certains ont réduit
leur nombre d’audiences. D’une manière générale, la première loi de 2015
a visé à complexifier les demandes par l’apparition d’une requête
motivée. Il a été créé un cerfa (formulaire administratif réglementé) de
saisine du bureau de conciliation et d’orientation avec la présence
obligatoire d’un exposé sommaire et des pièces dans le respect du
contradictoire. Cela a eu pour effet un frein des saisines, en
particulier pour les salariés qui se présentent seuls devant le juge.

M.-A. M. :
J’ajoute que la seconde loi Macron issue des ordonnances n’a pas
amélioré le fonctionnement des CPH, loin de là. Elle instauré des
dispositions qui ne font que complexifier et ajouter des délais
supplémentaires pour les justiciables. La diminution du nombre des
saisines, but non annoncé, est bien réelle. Était-ce une volonté cachée ?

Quelle est l’ampleur de cette baisse des saisines et peut-elle s’expliquer par d’autres raisons ?G.B. :
Il y a eu près de 120 000 saisines de prud’hommes l’année dernière en
France contre 127 000 en 2017, 150 000 en 2016 et près de 190 000 si
l’on remonte à 2014. Si le nombre des saisines a donc considérablement
diminué, les affaires présentées sont devenues plus complexes à traiter.
Par ailleurs, les ruptures conventionnelles ne cessent d’augmenter et
très peu sont contestées devant le juge du travail.

M.-A. M. :
La libre circulation des travailleurs en Europe constitue l’exemple
d’une nouvelle difficulté dans le règlement des litiges. Une personne
peut être embauchée et payée en France pour travailler dans la filiale
allemande d’un groupe suisse. Il y a sûrement beaucoup de salariés qui
ne savent pas de quel droit national du travail ils ressortent.


  • « Il faut s’attendre à d’autres contournements du barème des indemnités prud’homales »

Qu’en est-il du plafonnement des indemnités prud’homales,
instauré en septembre 2017 ? Ces dernières semaines, plusieurs conseils
ont jugé ce plafonnement contraire au droit international.
G.B. :
Les affaires déposées après l’apparition du barème commencent à arriver
devant nos conseils. Depuis la mi-décembre, cinq conseils se sont
prononcés en écartant le barème de leur décision à Troyes, Amiens, Lyon,
Le Mans et Grenoble. Il est trop tôt pour dire que cela fera
jurisprudence : n’oublions pas que ce sont des décisions de première
instance susceptibles d’appel voire de cassation. Mais on peut
s’attendre à d’autres contournements du barème.

M.-H. M. :
Certains juges prud’homaux semblent avoir trouvé des motifs juridiques
pour ne pas respecter ce barème. Dans les grandes lignes, trois
approches semblent possibles pour passer outre : l’article 1780 du code
civil dit que le juge est souverain ; l’article 10 de la convention 158
de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui dit que la
compensation accordée par le juge doit correspondre à la hauteur du
préjudice et ne peut être bornée par les Etats, et que la décision
appartient au juge ; l’article 24 de la charte des droits sociaux de
l’Union européenne (UE), annexée au traité de Lisbonne, qui dit que
c’est au juge d’estimer le préjudice. Dans la hiérarchie des normes, les
accords internationaux sont au-dessus de la loi nationale. Il va donc y
avoir du sport !

#Prudhommes
Pour la première fois en France, un juge professionnel, a décidé de ne
pas tenir compte du plafonnement des indemnités prud’homales pour #licenciement abusif mis en place par les #OrdonnancesMacron https://t.co/LwugEhad5s

Source : site confédéral CFE-CGC

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