
Nous n’en sommes qu’aux prémices du débat et des conséquences de l’IA sur l’emploi. Selon cet article des Échos, la première salve affecte plus particulièrement les jeunes diplômés, mais comment pourrait-on en être surpris ? Encore une fois, il ne s’agit pas ici de se positionner pour ou contre le développement de l’IA mais d’en mesurer rigoureusement les effets sur la productivité, l’emploi et les conditions de travail. Gageons que l’intelligence artificielle, qui n’est en réalité ni intelligente, ni artificielle, représentera l’un des enjeux essentiels du monde du travail dans les années à venir. Avec ses potentialités et facilités mais aussi ses échecs et désillusions… (NDLR)
Article emprunté au journal Les Échos :
Plusieurs études montrent que les embauches de jeunes diplômés marquent le pas dans les entreprises qui utilisent le plus l’intelligence artificielle. Les gains de productivité mettront toutefois du temps à se diffuser au reste de l’économie.
Tout le monde a un avis sur la question. Les uns pensent que l’intelligence artificielle (IA) va détruire des millions d’emplois de cols blancs dans le monde, les autres s’attendent à ce que, comme beaucoup de technologies jusqu’ici, elle détruira des postes mais en créera d’autres, nouveaux, qui restent à inventer. Mais quels effets mesurables l’intelligence artificielle a-t-elle déjà eus sur le marché du travail ?
Deux études récentes, l’une de chercheurs de l’université Stanford en Californie, et l’autre de l’université Harvard, dans le Massachusetts, concluent que l’impact est déjà visible. Les entreprises qui recourent le plus à l’IA et les métiers dans lesquels l’IA est très utilisée ont tendance à faire appel à moins de jeunes qu’avant.
Ainsi, en juillet dernier, l’emploi des jeunes diplômés de 22 à 25 ans a diminué de 6 % dans les professions exposées à l’IA, par rapport à son pic de fin 2022, alors qu’il avait grimpé de 6 à 9 % dans ces mêmes entreprises pour les personnes les plus expérimentées, montrent les travaux de l’équipe de Stanford.
Taux de chômage élevé pour les jeunes diplômés
« Il semble que l’IA générative a déjà des effets sur l’embauche des jeunes diplômés », résume Axelle Arquié, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) et cofondatrice de l’Observatoire des emplois menacés et émergents.
« Les tâches les plus faciles à automatiser comme la rédaction de rapports, de synthèses ou encore de supports analytiques sans réorganiser totalement l’entreprise sont faites par l’IA, et les premières victimes sont les jeunes. Les entreprises réduisent ainsi les besoins en personnel entrant, sans provoquer de suppressions de postes immédiates », poursuit-elle.
D’ailleurs, « la situation est restée difficile pour les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur au deuxième trimestre 2025. Leur taux de chômage s’est établi en moyenne à 5,3 % », contre 4,1 % globalement aux Etats-Unis, indiquait la Réserve fédérale de New York récemment.
Même en France, les premiers effets de l’IA sur le marché du travail pourraient bien commencer à se faire sentir. Alors que le taux de chômage en France est resté stable sur un an au premier trimestre 2025, à 7,4 % de la population active, la dernière étude de l’insertion des jeunes diplômés des grandes écoles montre que ces derniers ont plus de mal à trouver un emploi.
Un peu plus de 80 % d’entre eux avaient trouvé un emploi à la fin de leurs études en 2024, contre près de 86 % un an plus tôt. « C’est un signal faible, mais à surveiller : l’impact de l’IA générative s’annonce par un gel des embauches des plus diplômés car leurs tâches sont le plus aisément automatisables, sans demander une refonte des processus en profondeur », juge l’économiste.
Une seconde phase à venir
Mais « il est très possible qu’il ne s’agisse que d’une première phase avant de plus grands bouleversements dans la façon de produire », prévient Axelle Arquié.
Pour d’autres secteurs, la révolution est en marche. Gad Levanon, chef économiste du Burning Glass Institute, montre qu’aux États-Unis la croissance de la productivité se concentre de plus en plus sur des secteurs à salaires élevés et à forte intensité de compétences tels que la finance, l’assurance, la high-tech et les services aux entreprises. Là encore, cela ne pourrait être qu’une première phase. Les gains de productivité devraient se diffuser au reste de l’économie. Mais cela prendra du temps.
Source : Les Échos
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