Cette enquête sur les risques psychosociaux vise à mettre en place un système de surveillance de la santé mentale dans l’entreprise

Le mal-être des salariés est une réalité très répandue dans certains secteurs économiques. Environ un tiers des hommes employés dans l’hôtellerie ou la restauration disent ressentir une détresse psychique. Les femmes, elles, éprouvent, le plus souvent, ce type de difficultés dans les entreprises qui produisent ou qui distribuent de l’eau, du gaz ou de l’électricité (45 %). Trois autres secteurs concentrent une proportion élevée de travailleurs en situation de souffrance : les activités financières, l’administration publique et les services collectifs, sociaux et de personnels.
Dévoilés par la revue Santé et travail dans son édition de janvier, ces constats sont extraits d’un programme de recherche inédit, appelé Samotrace. Pour la première fois, une étude épidémiologique sur les risques psychosociaux a été réalisée dans un large éventail de professions. De janvier 2006 à mars 2008, quelque 6 050 salariés des régions Centre, Poitou-Charentes et Pays de la Loire ont répondu à des dizaines de questions. Une opération similaire est en cours dans le Rhône et dans l’Isère. Objectif : mettre en place, à terme, ” un système de surveillance de la santé mentale au travail “.

Les premiers résultats de Samotrace confirment l’importance des ” symptômes dépressifs et anxieux ” que les médecins du travail pressentaient ou avaient décelés de façon éparse dans des secteurs comme la fourniture d’énergie ou les banques, qui, jusqu’à une période récente, semblaient causer moins de problèmes de santé par rapport à ceux connus pour leur pénibilité physique (construction, industrie, etc.). Autre enseignement à relever : la souffrance mentale affecte plus les femmes que les hommes (37 % d’un côté contre 24 % de l’autre). Même chose pour les mauvais traitements : 5 % des salariées interrogées confient avoir été victimes des violences physiques (contre 3,2 % pour les hommes) ; un peu plus de 16 % d’entre elles ont essuyé des humiliations ou des menaces (11,6 % chez les hommes).

A l’inverse, la consommation excessive d’alcool est un phénomène essentiellement masculin. Il est très marqué parmi les salariés du monde de la finance (16,4 %) et du secteur des services collectifs, sociaux et personnels (17 %). De même, les hommes sont proportionnellement un peu plus nombreux que les femmes à soutenir qu’ils travaillent ” d’une façon heurtant leur conscience professionnelle ” (14,3 % contre 12,1 %).

MANQUE DE RECONNAISSANCE
Samotrace apporte aussi des éléments de réponse sur les causes profondes de ce mal-être. Au cours de l’enquête, les 6 056 salariés de l’échantillon ont, par exemple, répondu à des questions sur la marge de manoeuvre ou sur le ” soutien social ” qui leur sont accordés au travail. Ils ont aussi indiqué si leurs efforts étaient, selon eux, justement récompensés. En croisant toutes ces données, le poids de certains facteurs explicatifs a pu être mis en avant.

Ainsi, les femmes qui ressentent un décalage entre leur investissement dans le travail et les gratifications obtenues en retour sont trois fois plus nombreuses que les autres à déclarer un trouble psychique. La souffrance mentale affecte aussi plus fréquemment les travailleurs en butte à l’isolement ou à des violences. Aux yeux de certains responsables de l’étude, ces résultats démontrent que les troubles de santé mentale sont intimement liés à l’organisation du travail et au mode de management.

Le programme Samotrace rejoint les préoccupations affichées par le gouvernement. A la mi-mars 2008, le ministre du travail, Xavier Bertrand, avait exprimé le souhait que des négociations sur le stress deviennent obligatoires dans les branches professionnelles touchées par le phénomène. De même, il avait évoqué l’hypothèse d’un système de bonus-malus qui inciterait les entreprises à mieux prévenir les risques psychosociaux.

La recherche entreprise dans plusieurs régions tombe à point nommé pour alimenter la réflexion des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, même si elle n’a pas encore livré tous ses enseignements. Les mises en invalidité provoquées par des troubles psychiques sont également l’objet d’un autre volet de l’enquête Samotrace. Enfin, plusieurs monographies sont prévues à partir d’entretiens avec des salariés qui ont ” décompensé ” – autrement dit, ” pété les plombs ” – sur leur lieu de travail.
Bertrand Bissuel

Source : Le Monde du 9 janvier 2009

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