Kindy : “les chaussettes ne se cachent plus”

L’employeur face aux relations amoureuses dans l’entreprise

Difficile de trouver l’attitude adéquate en présence d’une liaison sur le lieu de travail. Si l’employeur ne doit pas s’immiscer dans la vie privée de ses salariés, il peut néanmoins agir si des dérives créent un trouble caractérisé dans l’entreprise.

Respecter la vie privée

Droit du salarié. – Le salarié a droit au respect de sa vie privée (c. civ. art. 9). L’employeur qui constate une relation amoureuse entre collègues doit donc éviter de s’immiscer dans la vie privée des salariés en cause (espionnage, etc.).

La connaissance de la relation n’aurait en effet d’intérêt pour l’employeur que si elle était source de troubles présents ou à venir.

Pas de clause préventive. – L’employeur ne peut pas insérer dans le contrat de travail du salarié une clause interdisant toute relation amoureuse sur le lieu de travail en prévention d’éventuels conflits. En effet, cela constituerait une discrimination sur la situation de famille qui est interdite (c. trav. art. L. 1132-1).

Ainsi, une clause de célibat insérée dans un contrat porterait atteinte à la liberté du salarié (cass. soc. 7 février 1968, n°65-40622, BC V n° 86).

Il en va de même pour le règlement intérieur : une clause stipulant que les conjoints ne peuvent pas être employés dans l’entreprise n’est pas valable (cass. soc. 10 juin 1982, n° 80-40929, BC V n° 392).

Discrétion du salarié. – De son côté, le salarié doit respecter la séparation entre vie professionnelle et vie privée. L’employeur peut s’attendre à ce qu’il n’y ait pas de manifestations démonstratives de sentiments sur le lieu de travail.

Il appartient ainsi aux salariés entretenant une relation amoureuse de respecter les moyens professionnels mis à leur disposition (ex. : outil informatique, documents) et de ne pas en abuser dans un but autre que professionnel.

Enfin, la vie personnelle du salarié n’a pas lieu d’interférer dans l’exercice de ses fonctions.

Exemple : Un salarié ayant des fonctions de direction ne peut pas se rebeller, de manière injustifiée, contre les décisions prises par l’employeur à l’égard de sa compagne, elle aussi salariée de l’entreprise. Son attitude, alors qu’il aurait dû rester neutre, a pu justifier son licenciement (cass. soc. 27 janvier 2010, n° 08-45203 D).

Évaluer l’impact sur le travail

Conséquences professionnelles de la relation. – L’employeur peut veiller à l’absence d’incidence de la relation amoureuse sur le travail des personnes concernées et de leurs collègues. L’impact sur le fonctionnement du service, l’organisation du travail et sur l’esprit d’équipe doit aussi être mesuré.

S’assurer de l’absence de discrimination. La relation amoureuse ne doit pas entraîner de discriminations envers les collègues du couple, si l’un des membres favorise l’autre ou offre des promotions illégitimes.

Les promotions ou faveurs accordées doivent être liées aux compétences professionnelles du salarié. À défaut, l’employeur courrait le risque d’être accusé de discrimination. Ainsi, lorsqu’il valide les promotions, il devra être en mesure de démontrer, s’il y a lieu, que les choix faits s’appuient sur des considérations objectives et étrangères à toute discrimination (c. trav. art. L. 1134-1).

À noter : Comme pour tout salarié, les comptes rendus d’entretiens d’évaluation sont à cet égard des documents utiles.

Cas du harcèlement. – L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique ou mentale des salariés (c. trav. art. L. 4121-1). Il protège ses salariés de toute forme de harcèlement.

S’il existe bien une limite entre séduction et harcèlement, elle ne doit pas être franchie. Il a ainsi été relevé que le harcèlement sexuel, caractérisé par le but spécifique d’obtenir à son profit des faveurs de nature sexuelle, se distingue d’une entreprise de séduction qui recouvre des agissements non pas sous-tendus par une intention maligne mais qui ne font qu’exprimer un sentiment amoureux ou d’affection sincère (cass. soc. 3 mars 2009, n° 07-44082 D).

La fin d’une relation amoureuse peut aussi entraîner du harcèlement de la part de l’un des intéressés lorsque la situation s’est envenimée. Il est donc recommandé à l’employeur d’être toujours vigilant, d’autant plus que son obligation de prévention a été récemment étendue au domaine du harcèlement sexuel (voir RF Social, Revue d’actualité 122, pp. 38 et 39).

Sanctionner les dérives

Mesures adaptées. – L’employeur ne peut pas restreindre la liberté individuelle ou collective du salarié sauf si l’intérêt légitime de l’entreprise l’exige. L’éventuelle mesure prise pour remédier au trouble doit être proportionnée au but recherché (c. trav. art. L. 1121-1).

Quand l’employeur constate des dérives (attitudes démonstratives, favoritisme, discrimination, etc.) ayant des incidences sur le travail, il peut recadrer les salariés en cause. Il peut également, si besoin est, adresser un avertissement ou prononcer toute autre sanction disciplinaire (voir Dictionnaire Social, « Sanctions disciplinaires ») tant que celle-ci reste justifiée et proportionnée. Il veillera alors à motiver suffisamment toute décision qu’il prend pour éviter un éventuel contentieux.

La relation n’est pas un motif de licenciement. – En principe, l’employeur ne peut pas licencier un salarié pour un fait tiré de sa vie privée. La relation amoureuse n’est pas en soi un motif de licenciement (cass. soc. 21 décembre 2006, n°05-41140 D). Une salariée ne peut ainsi pas être licenciée en raison de sa liaison avec l’un de ses supérieurs hiérarchiques sous le seul prétexte d’éviter un éventuel scandale (cass. soc. 30 mars 1982, n° 79-42107 D).

Le licenciement est également dépourvu de cause réelle et sérieuse s’il est fondé sur la liaison d’un salarié avec une de ses collègues, concubine notoire d’un autre salarié, à condition que les incidents relatifs à la vie privée du salarié n’aient pas eu de retentissement sur le travail ou sur la marche de l’entreprise (cass. soc. 19 novembre 1992, n° 91-45579 D).

Trouble objectif caractérisé. – Lorsque le comportement du salarié a créé un trouble caractérisé dans l’entreprise, l’employeur peut prouver que les conséquences de la liaison lui ont été préjudiciables. Il devient alors possible de sanctionner le salarié.

Ainsi, la violence d’un salarié envers sa concubine, également salariée de l’entreprise, qui avait donné lieu à son arrestation a entraîné un trouble objectif caractérisé, même si ce fait relevait de la vie personnelle. L’employeur pouvait redouter de nouveaux incidents, et la réputation de l’entreprise ainsi que l’image de marque auprès des salariés pouvaient en être affectées : le licenciement était donc possible (cass. soc. 9 juillet 2002, n° 00-45068 D).

Lundi sur ce blogue :
“Surnuméraires” et harcèlement moral

4 Commentaires

  1. Dites donc "la Rédaction" ! il faut vous suivre en temps réel sinon on risque de rater des articles !

    Alors : Moi aussi : je passe le "Bonjour " à la petite sirène !

    Seuls les assidus comprendrons !!!

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