« Il y a 60 000 postes vacants d’infirmiers dans nos hôpitaux »

Porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC), Thierry Amouroux témoigne du manque de moyens et de l’épuisement d’une profession corvéable à merci depuis la crise sanitaire.

Pouvez-vous nous présenter le SNPI CFE-CGC ? Dans le giron de la Fédération CFE-CGC Santé-Social, le SNPI représente les infirmières et les infirmières spécialisées, les cadres infirmiers et les directeurs des soins dans tous les secteurs : hôpitaux, cliniques, secteur privé non lucratif, Ehpad, santé au travail et Éducation nationale. Notre syndicat est reconnu comme le porte-voix actif des infirmiers.Les équipes soignantes de l’hôpital Saint-Louis à Paris ont dénoncé, lors d’un rassemblement le 19 avril dernier, le manque d’infirmiers au sein du réputé service d’hématologie (maladies rares du sang et cancers). Qu’en est-il ?

La CFE-CGC s’est associée à la mobilisation devant cet établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le passage aux 12 heures de travail a bouleversé le service en question. Les équipes de nuit se sont retrouvées en grande difficulté avec plusieurs départs en raison des impacts induits sur la vie personnelle. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’une infirmière fixe la nuit et il est demandé aux équipes de jour de faire des remplacements la nuit, tout en faisant appel à des intérimaires et des vacataires. Tout le service est donc sous pression avec, à la clé, 8 fermetures de lits.

Cette situation est symptomatique du fort décalage qui existe à l’hôpital entre l’attitude de l’administration et les attentes des professionnels pour répondre aux besoins des patients. Au sein de l’AP-HP (16 000 infirmiers), il manque chaque mois 1 400 postes d’infirmiers et la situation se complique d’année en année.

L’administration continue ses plans d’économies et les personnels n’arrivent plus à répondre aux besoins de santé
Après deux ans de pandémie, quelle est la situation de l’hôpital ?

Après deux vagues de départs d’infirmiers à l’été 2020 puis l’an passé, il y a aujourd’hui 60 000 postes vacants sur toute la France. En parallèle, les pouvoirs publics continuent à fermer des lits pour des motifs budgétaires. Je rappelle qu’en 2020, la France a été le seul pays au monde à fermer 5 700 lits en pleine crise sanitaire. Cela a fini de dégoûter les professionnels infirmiers qui constatent que l’administration continue d’appliquer ses plans d’économies qui ont conduit, depuis 20 ans, à une réduction totale de 20 % des lits (maternités, services psychiatriques, urgences…) malgré les alertes des professionnels qui n’arrivent plus à répondre aux besoins de santé de la population.

Ces deux dernières années, les hôpitaux ont fonctionné le plus souvent en plan blanc pour faire face à la crise Covid mais cela ne peut pas être une solution durable. Les personnels, épuisés, se retrouvent corvéables à merci avec une explosion des heures supplémentaires (2,5 millions d’heures en 2021 au sein de l’AP-HP), des rappels en repos et des fractionnements de congés.

Les Ehpad sont aussi dans la tourmente. Quel regard portez-vous sur les établissements publics ?

En France, nous avons deux fois moins d’agents par résident qu’en Allemagne. Cela débouche sur des risques de maltraitance institutionnelle de nos aînés. C’est insupportable même si la situation dans les établissements publics est moins pire que dans les Ehpad privés lucratifs. La moitié des personnels ne sont pas des professionnels de santé : on manque cruellement d’infirmières et d’aides-soignants pour prendre soin des résidents !

Des infirmiers sous-payés au regard de leurs responsabilités et de leurs niveaux de compétences »

Quelles sont les grandes revendications du SNPI CFE-CGC ?

Pour tenter de réenchanter l’hôpital, il faut créer des postes en adéquation avec une charge de travail compatible avec la qualité des soins. À l’international, les normes sont de 6 à 8 patients par infirmière ; en France on est plutôt à 12 ou 15. Il s’agit aussi de mettre fin à l’insécurité professionnelle : les infirmières sont en effet déplacées du jour au lendemain dans des services dont elles ne maîtrisent pas les pathologies et les protocoles spécifiques.

Autre priorité : la revalorisation salariale. Malgré la hausse de 183 euros dans le cadre du Ségur de la santé, les salaires des infirmiers restent inférieurs de 10 % à la moyenne européenne. Nos infirmiers sont sous-payés au regard de leurs responsabilités et de leurs niveaux de compétences. Cela conduit bon nombre d’entre eux à partir travailler en Belgique, en Suisse ou au Luxembourg, où les rémunérations sont nettement supérieures.

Propos recueillis par Mathieu Bahuet

Source : site confédéral CFE-CGC

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