Est-il légal de regarder une compétition sportive quand on travaille ? Une question qui se pose en pleine coupe du monde de football et soulève deux problématiques : celle relative au temps de travail et celle afférente au matériel professionnel mis à disposition des salariés (connexion Internet et ordinateur ou smartphone). Réponses de Me Magali Bussac, avocat directeur au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel, à Paris.

Au premier abord, la réponse est simple, explique Me Magali Bussac : « Sans l’accord de la direction, on ne peut pas regarder une compétition sportive pendant le temps de travail effectif, c’est-à-dire quand on est à la disposition permanente de l’employeur. Car on est alors supposé fournir une prestation de travail pour laquelle on est rémunéré. En revanche, au moment de la pause, c’est possible. »

Pour les salariés qui ne sont pas soumis à des horaires, comme ceux au « forfait jours », ou bien pour les cadres dirigeants, l’avocate nuance : « Ils peuvent essayer de s’organiser pour regarder un match, sachant que le travail, même s’il n’est pas soumis à des horaires, doit être fait. Et sachant aussi que l’autonomie ne signifie pas la liberté totale. Donc il faut se conformer à l’organisation collective du travail : si une réunion est prévue, tout le monde doit en tenir compte. »

De plus, si l’on regarde des matches de 14h à 20h, on ne peut pas considérer que l’on rattrapera l’après-midi passée devant la télé en travaillant le soir, de 20h à minuit par exemple, précise-t-elle : « En effet, même pour un salarié au forfait jours, la durée légale de repos entre deux journées de travail doit être d’au moins onze heures consécutives. Et puis le salarié n’est pas censé travailler de nuit… »

Arbitrages managériaux

En amont du match ou de l’événement sportif, l’employeur a donc intérêt à déterminer clairement ce qu’il est possible ou non de faire, de rappeler les règles et le cadre. « Il peut aussi corriger le tir en cours de compétition, souligne l’avocate. Notamment en cas de dégradation du climat social et de l’ambiance dans l’entreprise. Ou en cas d’abus et de dérapages, bien sûr. L’employeur peut, dans toutes ces situations, faire usage de son pouvoir de direction et de sanction, si nécessaire. »

Au-delà du droit, les arbitrages managériaux sont au centre de ces problématiques. Une entreprise peut décréter qu’il s’agit d’un moment convivial et festif entre collègues, accepté sur le lieu de travail, à condition de ne pas déranger ceux qui ne souhaitent pas y participer…

Mais une compétition peut s’avérer clivante. Ainsi l’organisation de la coupe du monde de football au Qatar soulève de nombreuses questions éthiques, concernant le sort des ouvriers sur les chantiers et les droits humains en général, ou encore l’impact très néfaste sur l’environnement. De plus, dans des effectifs multinationaux, peuvent surgir des tensions parce que les salariés ne soutiennent pas les mêmes équipes… « Afin de préserver les cultures et les convictions de chacun, la solution, pour la direction, est de faire preuve de neutralité en rappelant, très logiquement, que regarder une compétition relève de la sphère privée et ne doit donc pas se faire quand on travaille, » poursuit Me Magali Bussac.

Surtout qu’il peut aussi arriver qu’une partie des salariés éprouve un sentiment d’injustice, estimant ne pas bénéficier d’une égalité de traitement par rapport à ceux qui regardent la compétition sur le lieu et/ou dans le temps de travail. « On peut alors les autoriser à avoir des occupations personnelles pendant le match, avance l’avocate. Mais attention à ce que la tolérance et la bienveillance de la part de la direction ne conduisent pas au grand n’importe quoi ! L’objectif, en entreprise, c’est que les équipes travaillent, y compris quand elles sont en distanciel, d’ailleurs… »

Sanctions encourues

Dès lors, que se passe-t-il si un salarié regarde une compétition sportive sans l’accord de la direction et bien qu’il soit censé travailler ? « C’est une faute, un non-respect des consignes, prévient Me Magali Bussac. Qu’il soit pris sur le fait par un manager ou bien qu’il y ait des témoignages concordants de collègues, l’employeur est fondé à lui demander de voir son historique de navigation sur Internet. Puis de le rappeler à l’ordre, voire de le sanctionner par un avertissement, et, plus encore, une mise à pied par exemple, en cas de récidive et/ou d’insubordination notoire. »

Entre alors aussi potentiellement en jeu le fait d’utiliser le matériel professionnel (ordinateur, smartphone, connexion Internet) à des fins personnelles. « Le principe qui prévaut en général, c’est qu’il ne doit pas faire l’objet d’un usage personnel, note l’avocate. Sauf pendant le temps de pause et en cas d’utilisation raisonnable et ponctuelle, comme le rappelle la commission nationale de l’informatique et des libertés, recommandation de la CNIL validée par la jurisprudence. En pratique, nombre de sociétés règlent également ces questions dans leurs chartes informatiques internes, auxquelles les salariés doivent se référer. »

Source : Courrier Cadres

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