Voici une tribune qui rappelle et souligne l’obligation des employeurs de partager la valeur. La démarche n’a par conséquent rien d’optionnel mais les participants ont aussi rappelé les savantes manœuvres, légales ou souvent frauduleuses, permettant aux grands groupes multinationaux de la minorer autant que possible afin d’éviter autant que possible ce partage. Tonton pourquoi tu tousses ? (NDLA)

Dans une tribune publiée par Les Echos, plusieurs leaders syndicaux dont François Hommeril, président de la CFE-CGC, alertent quant au fait qu’un jeu subtil sur les prix de transfert permet à certains groupes de minorer leur résultat en France.

Emmanuel Macron a fait du partage de la valeur des entreprises avec leurs salariés un thème fort de sa campagne présidentielle. Le sujet, qui vient d’aboutir à un accord entre syndicats et patronat, va donner lieu à des propositions d’un groupe de députés de la commission des Finances. Que préconiseront-ils ? Seront-ils sur la même ligne que l’eurodéputé Pascal Canfin, missionné par le parti Renaissance pour formuler des pistes ? « Lorsqu’une entreprise va bien, alors obligatoirement il doit y avoir redistribution de la valeur créée avec les salariés », a affirmé ce dernier.

Le mot qu’il nous semble important de retenir est « obligatoirement ». Certes, une forme d’obligation existe déjà. La participation au résultat s’impose à toutes les entreprises de plus de 50 salariés en France. Pour ceux qui l’ignorent, elle s’appuie sur une formule datant de 1965, qui répartit le résultat fiscal de l’entreprise sous la forme d’une épargne salariale. Plus l’entreprise crée de la valeur, plus elle a de résultat et donc sera en mesure de le répartir entre ses salariés, ses actionnaires et elle-même pour son propre développement. Ainsi, grâce à cette formule de participation, quand les profits sont là, tout le monde gagne !

Il suffirait alors de l’améliorer, de l’étendre. Mais non. En réalité, les profits ou la valeur, ça se déplace. L’affaire des transferts financiers entre la filiale française de McDonald’s et d’autres entités du groupe à l’étranger, qui s’est soldé par une amende de 1,2 milliard d’euros, l’a démontré. Ce n’est pas le seul cas où une multinationale fait « remonter » vers des pays à la fiscalité attrayante la richesse qui a été créée en France, en faisant un usage inapproprié des règles de prix de transfert fixées par l’OCDE.

Or cette pratique pose un sérieux problème aux salariés : en minorant le résultat rattachable à la France, le groupe réduit aussi la participation à laquelle ils peuvent prétendre. Des organisations syndicales ont tenté de corriger cette injustice en allant devant les tribunaux. Dans une procédure lancée en 2017, le juge a reconnu l’anormalité de la situation et le fait que les montages de l’entreprise représentaient une « contrariété à l’ordre public ». Pourtant, il a débouté les syndicats de leur demande de réparation.

La raison à cela ? Une jurisprudence controversée, fondée sur l’article L3326-1 du Code du travail. Selon celle-ci, le calcul de la réserve de participation (la part des bénéfices à distribuer aux salariés) ayant été certifié par une attestation du commissaire aux comptes, il ne peut être remis en cause. Et ce, « même en cas de fraude ou d’abus de droit ».

Lorsque l’on sait que le commissaire aux comptes, mandaté par l’entreprise elle-même, ne vérifie à aucun moment les transactions financières entre filiales qui, du reste, relèvent d’une compétence qu’il ne maîtrise pas, on comprend l’aberration à laquelle on fait face, d’autant que les entreprises qui manipulent leur valeur sont loin d’être une exception.

Aujourd’hui trois procédures judiciaires sont en cours, totalisant une valeur ajoutée dépassant les 6 milliards d’euros. Le seul obstacle aux juges n’est qu’un article du droit ancien, qui paraît bien peu adapté à l’état actuel de la mondialisation et aux comportements nocifs de certains groupes.

Si le gouvernement tient à ce que la valeur soit « obligatoirement » partagée avec les salariés, il pourrait rétablir leur droit élémentaire à se défendre. Une abrogation de l’article en question, avec application des effets sur les procédures en cours, rendrait justice à des milliers de salariés français. Cela lancerait un signal moderne et engagé dans le partage de la valeur et, finalement, cela ne ferait que démontrer que la France ne concède rien dans le combat contre la fraude fiscale.

Cyril Chabanier, président de la CFTC
François Hommeril, président de la CFE-CGC
Maximilien Malbête, spécialiste en prix de transfert auprès des représentants du personnel
Frédéric Souillot, secrétaire général de FO

Cette tribune a été publiée le 14 février dans Les Echos, et mise en ligne sur le site internet du quotidien.

Source : site confédéral CFE-CGC

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