Du lundi 24 juillet au mercredi 23 août 2023 rediffusion des articles les plus lus de l’année
Article paru le14 avril 2023

La CFE-CGC Adecco ne signera pas l’inquiétant projet d’accord sur le temps de travail actuellement proposé aux délégués syndicaux.

Motivés uniquement par les intérêts des salariés cadres mais aussi non cadres, nous sommes insensibles aux promesses douteuses d’un consensus mou prometteur de confort pour les délégués syndicaux mais néfaste pour tous nos collègues. Que telle ou telle organisation syndicale juge bon de signer pour des raisons que la raison ignore, ce n’est pas notre affaire. Nous sommes élus par vous, pour vous, avec la mission non négociable de vous défendre et de sauvegarder puis d’améliorer tout ce qui peut l’être des conditions de travail et des rémunérations. Nous ne signons donc et ne signerons jamais des accords régressifs, en retrait sur les accords existants et/ou moins-disants que la législation ou la branche professionnelle de l’intérim.

Or, le projet d’accord sur le temps de travail que nous ne signerons pas s’annonce clairement régressif en plusieurs des points qu’il englobe.

C’est tout d’abord la quasi-fin programmée du paiement des heures supplémentaires qui se prépare. Après des années de nos actions, avis, motions et expertises sur le sujet, l’entreprise commençait enfin, contrainte et forcée, à rémunérer (timidement) un certain nombre d’heures supplémentaires, surtout au Middle-office. Trop peu sans doute en regard de la réalité mais c’était une première étape décisive. Le projet d’accord qui nous est soumis prévoit leur quasi-disparition par l’application d’une annualisation du temps de travail avec modulation de la durée hebdomadaire en fonction des périodes de plus ou moins forte activité. L’horaire des uns et des autres pourra en effet varier d’une semaine à l’autre selon le niveau d’activité du moment et dans le cadre d’une amplitude inédite dans l’entreprise. Pendant les périodes dites de basse activité, par exemple, l’horaire hebdomadaire pourra descendre à 21 heures – après négociation puisque la proposition initiale fixait à 14 heures le plancher… -, ceci en incluant des demi-journées ou des journées non travaillées. Quant aux périodes d’activité plus soutenue, la durée hebdomadaire de travail pourra s’élever à 42 heures. Adieu les heures supplémentaires dont nous venions d’obtenir un paiement de plus en plus régulier et que nombre d’entre vous commençaient de plus en plus à demander !

Précisons que chez les cadres, cette demande d’heures supplémentaires demeurait inexistante alors que, faut-il le rappeler, contre toute idée reçue les cadres non soumis au forfait-jours ont autant droit aux heures supplémentaires que les non cadres. Nous le réaffirmons régulièrement mais cette fois tordons ici définitivement le cou à la légende du cadre qui ne bénéficierait pas du paiement de ses heures supplémentaires au seul motif qu’il est cadre. Il s’agit d’une légende, urbaine ou non !

Les cadres au forfait-jours privés de semaine de 4 jours…

Un point sur lequel nous sommes plutôt favorables à priori concerne l’expérimentation menée sur la semaine de 4 jours. A condition, bien entendu, d’être certains que la direction de l’entreprise ait bien envisagé la diversité des situations et prévu un traitement égalitaire de tous les salariés. A-t-elle notamment bien évalué la mise en place d’une telle organisation pour les agences pourvues d’un effectif réduit à deux ou trois permanents ? La semaine de 4 jours leurs sera-t-elle applicable sans préjudice des contraintes liées à notre métier ?

Ceci posé, il s’agit sans doute d’une solution d’avenir qui contribuera, si elle se généralise, à diminuer le nombre de véhicules circulant chaque jour sur les routes et dans les villes. Fort bien, mais pourquoi en exclure les cadres au forfait-jours ? Pourquoi et de quoi les cadres semblent-ils être perpétuellement punis ? Constatant que ce forfait-jours ne concernera pas les cadres  à partir du niveau I, nombreux sont ceux parmi les niveaux G et H qui pousseront sans doute un soupir de soulagement mais savent-ils que chez certains de nos concurrents l’ensemble des Directeurs d’agence et cadres sont soumis à un tel forfait-jours ?  Au train où vont les choses, qu’en sera-t-il demain chez Adecco ? C’est aussi l’occasion de rappeler ici que les contrats concernant le forfait-jours signés à ce jour sont invalides puisque non couverts par un accord. Le présent projet d’accord sur le temps de travail qui nous est soumis vient à point pour corriger cette anomalie juridique.

… et de compensation de ce forfait-jours

Soulignons aussi au passage que les cadres soumis au forfait-jours ne bénéficient, contrairement à un usage très répandu, d’aucune compensation de rémunération sur les salaires minima conventionnels. Nous préconisons une hausse de 25% de ces minima et, pour le salarié qui conclut une nouvelle convention individuelle de forfait annuel en jours, une majoration de 25% par rapport à sa situation antérieure, destinée à compenser les lourdes contraintes du forfait en jours. Cela se fait, cela se pratique, pourquoi pas chez nous ?

Un festival de régressions

A défaut de convention ou d’accord, le contingent d’heures annuel est fixé à 220 heures par salarié par an. Soulignons que la convention collective du Travail temporaire prévoit 110 heures et qu’en cas de dépassement, les obligations à la charge de l’employeur sont alors accrues : chaque heure supplémentaire effectuée au delà de ce contingent doit donner lieu à une contrepartie en repos. Le contingent annuel d’heures supplémentaires chez Adecco France serait fixé à 250 h du 1er janvier de l’année N au 31 décembre de la même année.

Un tel seuil est-il bien raisonnable dans un contexte de risques psychosociaux accrus, d’intensification des pressions de toutes sortes et alors même que se multiplient les cas avérés de souffrance au travail et d’épuisement professionnel ? Nous reviendrons très bientôt sur le sujet…

Le projet d’accord stipule aussi que “Le travail de nuit est autorisé, sur demande de l’employeur et avec l’accord du collaborateur et sous réserve de conserver un caractère très ponctuel et exceptionnel“. Or, aujourd’hui rien ne justifie une quelconque nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou de services dits d’utilité sociale et, de ce fait, le travail de nuit n’est donc pas légal. Pourquoi donc insérer discrètement cette clause ?

Une rubrique détaille les modalités d’un éventuel travail le dimanche mais faut-il rappeler que si les entreprises utilisatrices peuvent bénéficier d’une dérogation les autorisant à employer des salariés intérimaires ce jour particulier, rien n’est explicitement prévu pour les salariés permanents. Pourquoi ladite rubrique évite-t-elle de mentionner cette précision ?

Un Compte épargne-temps (CET) à géométrie variable

Si votre dépôt sur le Compte épargne-temps dépasse les 100 jours, il ne vous est plus possible d’y ajouter la moindre journée. Pourtant, comme le stipule l’article 3-6 de l’avenant numéro 2 relatif à l’annexe sur le CET, signé le 18 décembre 2018, les salariés bénéficiant d’un CET dont le plafond global est supérieur à 75 jours pour les moins de 55 ans et 100 jours pour ceux ayant dépassé cet âge à la date du 1er juin 2019 n’étaient pas concernés par cette limitation. Il s’agit, une fois encore, d’une petite régression, d’un grappillage qui, même s’il ne concerne que peu de cas, n’en constitue pas moins une reculade. Il aurait au contraire fallu déplafonner pour tenir compte des nouvelles mesures concernant l’allongement de la durée de vie active.

Nous pourrions poursuivre longtemps encore l’analyse comparative du projet d’accord avec les accords existants dans l’entreprise, la législation et les accords de branche. Bien sûr, vos représentants CFE-CGC ont travaillé sur chacun des points mentionnés dans le document de 23 pages et une synthèse partagée les amène à ne pas signer le présent projet que nous jugeons très insuffisant et, de plus, régressif sur plusieurs points. Notre signature échapperait à toute logique et enverrait un bien mauvais signal à l’ensemble de nos collègues, notamment permanents, qui nous font confiance et connaissent notre engagement en leur faveur. Nous ne pouvons imaginer une signature de complaisance qui irait à l’encontre de nos principes et de nos engagements. On peut aussi s’interroger sur l’anomalie d’organisations syndicales qui, bien que ne représentant que pas ou peu les cadres, ont néanmoins le pouvoir de contribuer à leur imposer des mesures défavorables.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici