À l’heure des difficultés économiques qui touchent de nombreuses entreprises, des plans de licenciements, des départs de collègues pas toujours remplacés avec la grande démission, la charge s’est alourdie pour beaucoup. Mais attention, la surcharge de travail n’est pas sans risque pour une équipe et son manager : gare au burn-out ! Voici comment la réduire et favoriser une écologie mentale.

Jean en a assez ! “Je suis tellement sous l’eau que je n’ai plus le temps de déjeuner avec mes collègues”, déplore-t-il. “J’emporte du boulot le week-end pour rattraper ce que je n’ai pas pu faire la semaine”, raconte Astrid. Quant à Paul, il se réveille la nuit en sursaut en pensant aux dossiers en cours. “La surcharge de travail, c’est ce sentiment qu’on a du mal à absorber la charge, que notre capacité à la traiter est dépassée par la quantité de travail à réaliser, définit Adrien Chignard, fondateur de Sens et Cohérence et auteur de Bien dans mon job (De Boeck Supérieur).

Les signaux d’alerte

Surchargés, nous avons l’impression de ne plus y arriver. Stressés, fatigués, irritables, noyés au milieu de toutes les sollicitations, nous ressassons en boucle, nous n’écoutons pas nos proches qui s’alarment de nous voir tant travailler. Des signaux qui doivent alerter, prévient Adrien Chignard : “Le stress lié à la surcharge se traduit par de l’isolement – on ne vient plus aux déjeuners, aux afterworks -, par des troubles du comportement alimentaire et du sommeil, par de l’instabilité émotionnelle – ce sont les montagnes russes -, par une hausse de la conflictualité, par une baisse du désir… En surcharge, on surinvestit son travail, on va travailler deux fois plus et se reposer deux fois moins.” Qui ne s’est jamais dit ‘Allez, je mets un gros coup de collier pour y arriver’ ? Si notre cerveau et notre corps peuvent gérer une surcharge ponctuelle, la surcharge chronique, elle, n’est pas sans risque. En psychologie positive, une nutrition saine, un sommeil de qualité, des activités physiques et des émotions positives constituent les quatre composantes du compas du bien-être. Celles-ci sont interconnectées, s’alimentent. Pour Adrien Chignard, “en surcharge, on jette le compas à la poubelle”.

Ça déborde : que faire ?

« Notre cerveau est à l’image de la planète, nous ne pouvons pas lui demander de mobiliser plus de ressources que celles qu’il a à sa disposition”, estime Gaël Allain, docteur en psychologie cognitive, spécialiste de la mémoire et de l’attention, auteur de Surchauffe mentale : Arrêtez de tout contrôler et lâchez prise (Larousse). C’est normal pour un manager d’avoir parfois du mal à tout faire. Le paradoxe, c’est que plus on est en surchauffe, plus on devrait être capable de ne rien faire”. Difficile de prendre soin de son équipe si on ne prend pas d’abord soin de soi. Au risque sinon de finir en burn-out. “Il y a une différence entre la fréquence et l’intensité, ajoute Adrien Chignard. On ne peut pas manger 21 repas et ensuite ne rien avaler pendant des jours ou dormir 35 heures pour ne plus dormir plusieurs nuits ensuite. Pourtant, au travail, on peut passer 11 mois sous stress car on se dit qu’ensuite, on a un mois de vacances”. La condition de la performance ? La fréquence de la récupération. Y compris pendant la semaine. Pour le psychologue du travail, “entre le lundi et le vendredi, on doit avoir des temps sanctuaires de respiration, de récupération pour se remplir d’émotions positives, ce qui permet d’avoir une flexibilité psychologique qui favorise l’intelligence relationnelle et émotionnelle”.

Quand un collaborateur est en surcharge

Un membre de votre équipe vient vous dire qu’il n’en peut plus ? “Il a besoin d’être aidé, pas rassuré”, avance Adrien Chignard. Accueillir sa difficulté, soutenir avec la bonne posture, c’est prendre le temps de l’écouter avec empathie (“on écoute mieux quand on se tait”), de reformuler pour s’assurer qu’on a bien compris et, ajoute-t-il, “de mettre ensemble en place des pratiques pour tarir la charge en direct, à la source. Il s’agit d’un facteur fleuve, dont le débit dépend des affluents. Pour la réduire, il faut comprendre ses affluents, ses déterminants”.

La méthode américaine des 4D

Le décryptage d’Adrien Chignard, psychologue du travail.

Delete, supprimer. Avec votre équipe, répertoriez toutes vos tâches dans un tableau. Devant chacune, ajoutez des plus ou des moins, selon qu’elles génèrent de la valeur ajoutée à l’entreprise ou du plaisir. Arrêtez toutes celles qui n’apportent ni l’un ni l’autre. Vous pouvez aussi inverser la norme. Vous passez trop de temps en réunion ? Décidez de les supprimer pendant un mois. Vous serez obligé d’en faire quand même mais vous n’en ferez que des très courtes, génératrices de décisions, avec les gens absolument utiles. Et vous retrouverez du temps.

Delay, retarder. Parfois, l’urgence, c’est d’attendre. Face à une crise, notre cerveau amplifie souvent les problèmes, les surévalue et s’agite pour maintenir une illusion de contrôle. Cette surchauffe crée de la surcharge inutile qui dégénère en conflits, ce qui crée encore plus de charge pour les résorber. Face à une grosse crise, prenez une heure, allez marcher et n’avisez qu’ensuite sur la meilleure stratégie à adopter.

Distribute, déléguer. Pourquoi se pense-t-on compétent ? On devrait se poser cette question sur chaque sujet. Si on n’a jamais réalisé la tâche en question, mieux vaut déléguer car la compétence s’acquiert dans la répétition d’une tâche. Si on a déjà essayé, on a tous l’impression qu’on est meilleur que les autres et globalement, c’est faux. Il est important de savoir apprécier qui est meilleur que nous et, là encore, de déléguer.

Diminish, réduire. Si votre manager vous répète “ça va le faire” alors que vous ne vous en sortez pas, confrontez-le à la réalité. Demandez-lui de l’aide pour vous aider à vous organiser. Soit il ne va pas y parvenir, réalisera que cela ne rentre pas dans votre agenda, vous enlèvera une tâche. Soit il y parviendra et il vous aura appris à mieux vous organiser. Soyez attentif aux conséquences du travail gris, ces tâches illégitimes qui génèrent de la charge et sont souvent démotivantes. Les : ‘Peux-tu juste me faire ça en plus, s’il te plait ?”.

Source : Courrier Cadres

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