
L’illustre Yakafokon, régnant sans partage à la tête d’un grand groupe de services aux entreprises, vaque à ses occupations en attendant l’arrivée de Marguerite Tapedur, Directrice des Débats harmonieux, de la Bonne Humeur et de la Jubilation au travail (DDHBHJT pour les initiés). Un titre relativement récent venu remplacer un intitulé de poste d’un autre âge. Faut vous dire qu’après avoir lu « 1984 » de George Orwell, Yakafokon s’était entiché d’euphémismes, de métaphores et des mille et une finesses sémantiques destinées à sublimer un quotidien jugé trop terre-à-terre.
La mine est renfrognée et le geste nerveux,.. ça promet !
Puis, quelques minutes plus tard arrive Marguerite Tapedur, précédée du martèlement déterminé de son pas alerte et de fragrances tapageuses régulièrement controversées au sein même de son service et plus encore dans son sillage.
Maître Yakafokon : (tirant nerveusement sur un gros cigare cubain aux volutes nauséabondes) Asseyez-vous Marguerite, il faut qu’on cause. Je suis à bout de nerfs mais je vais essayer de me contenir…Je ne vous promets rien… Le souffle Marguerite, le souffle… (reprenant de profondes inspirations-expirations)
Marguerite Tapedur : Que vous arrive-t-il Maître ? Quelle est la cause de votre légendaire courroux de si bon matin ?
Maître Yakafokon : La cause de mon courroux, vous osez me demander la cause de mon courroux ? Auriez-vous déjà oublié les résultats des dernières élections professionnelles dont je vous avais en toute confiance délégué le pilotage ?
Marguerite Tapedur : Oh non, bien sûr que non Maître, mais hormis quelques petits loupés à déplorer, dans l’ensemble tout s’est bien passé.
Là, Maître Yakafokon bondit de son siège, cramoisi, presque violet, sans doute au bord de l’apoplexie. Et puis c’est l’explosion. A vue d’oreille, c’est au moins du 130 décibels. A peu près le niveau sonore d’un Rafale F4 au décollage
Maître Yakafokon : Tout s’est bien passé ? Tout s’est bien passé Madame la Directrice des Débats Harmonieux ? Une CFE-CGC première organisation représentative dans notre entreprise ! Du jamais vu ! Une CFE-CGC raflant la totalité des mandats cadres au CSE et vous osez minauder « tout s’est bien passé » (Yakafokon imitant Marguerite Tapedur avec une voix de fausset)
Puis poursuivant avec force postillons :
Vous aviez une feuille de route pourtant simple : rabattre le caquet de ces tintamarresques représentants de cadres et managers qui ne pensent qu’à les défendre, négocier, réclamer encore et toujours de l’argent pour leurs collègues, comme ils disent, et je ne sais quoi encore… Sans parler de leur site qui m’insupporte ! Oui Marguerite, qui m’insupporte ! Leurs vannes à deux balles me révulsent, vous m’entendez, me révulsent !
Je vous avais pourtant suffisamment demandé de favoriser l’élection de nos honorables correspondants ! C’était votre objectif prioritaire !
Marguerite Tapedur : Oui, Maître, bien sûr, le bon sens et la raison illuminent votre propos mais c’est qu’à chaque élection nos cadres CFE renforcent leur implantation et obtiennent une oreille de plus en plus attentive des cadres et managers de l’entreprise.
Quant à leur site, il semble être devenu la référence bien au-delà de notre radieuse entreprise. On me dit que certains y sont complètement accrocs et s’y rendent plusieurs fois chaque jour que le bon Dieu fait…
Maître Yakafokon : (au bord de l’implosion) Et vous me dites ça tranquillement sans…
Marguerite Tapedur : (l’interrompant) J’ai tout essayé Maître, fait circuler verbalement des consignes à nos cadres les plus malléables ; je conteste systématiquement en justice leurs désignations, même les plus ripolinées. Je tente chaque fois que possible de faire passer pour dérisoires et même grotesques leurs interventions, avec ma collègue Huguette, Directrice de la Magnificence du Genre Humain (DMGH), nous manifestons ostensiblement notre désintérêt et tentons aussi souvent que possible de les déstabiliser, sans parler de notre….
Maître Yakafokon : (lui coupant la parole en hurlant) Suffit Marguerite ! Je vous paie grassement pour faire bénéficier l’entreprise d’élus compréhensifs, dévoués à notre juste cause, signataires des avantageux accords que je consens à leur proposer et capables de comprendre sans mégoter ma géniale stratégie.
Je vous ai même offert sur un plateau, quelque part dans le Sud, un découpage territorial sur mesure…
Marguerite Tapedur : Oh oui Maître, un coup de génie que vous avez eu. D’ailleurs ça nous a permis l’élection de l’un de nos honorables correspondants.
Maître Yakafokon : Un, oui, un seul ! La belle affaire ! Et en échange de quoi vous avez explosé le nombre d’élus dans les CSE. Grâce à vos bons soins, nous passons de 84 élus sur 4 périmètres à 175 avec le cinquième. Plus du double Marguerite, plus du double ! Du jamais vu dans l’entreprise ! Faut-il en plus vous en féliciter ? Vous battez tous les records et devriez faire valoir vite fait vos prouesses auprès du Comité olympique, des fois qu’ils vous créent une discipline sur mesure ! De 84 à 175 élus, de 84 à 175 Marguerite ! Vous savez ce que ça va nous coûter ? Des millions Marguerite, des millions !
Marguerite Tapedur : Bien sûr Maître mais la dépense est répartie sur les agences, la ponction devrait être presque indolore. Bien peu la remarqueront et aucun n’osera de toute façon la contester (petit ricanement nerveux).
Maître Yakafokon : Sauf les élus CFE-CGC, soyez-en sûre ! Toujours occupés de se mêler des affaires des autres, ceux-là. Toujours occupés des intérêts des salariés ! Est-ce que je me soucie de l’intérêt des salariés, moi ?
Marguerite Tapedur : Je comprends votre colère Mons… euh… Maître, mais j’implore votre indulgence et vous promets de leur taper sur la tête sans relâche pendant les 4 années à venir.
Maître Yakafokon : 4 années ? Parce que vous imaginez jouir de mes largesses et de ma prodigalité pendant 4 années encore ? Disparaissez de ma vue, Marguerite, je vous ai assez vue pour aujourd’hui. Vous êtes le maillon faible, vous sortez !
Marguerite Tapedur : (blême et tremblotante) Bien, Maître… (reprenant nerveusement son cahier tirebouchonné, son stylo mâchouillé et faisant mine de se lever)
Malgré votre ire, n’oubliez quand même pas Maître que j’ai tout fait pour retirer aux instances leurs moyens, les asphyxier, les assécher… J’ai supprimé les heures de délégation pour les réunions préparatoires et en plus, rien pour les élus suppléants, macache, nibe, oualou et peau de balle ! Les représentants de proximité pareil, ils iront se faire cuire un œuf ! A la dèche les élus ! (petit rire forcé)
Maître Yakafokon : Avez-vous perdu la raison Mademoiselle Tapedur ? Avez-vous mesuré qu’ainsi nous n’obtiendrons plus aucune signature de nos chers partenaires sociaux que vous allez gravement courroucer ?
Marguerite Tapedur : Oh ne vous inquiétez pas pour ça Maître ! Nos honorables correspondants signeront avant même d’avoir lu la première ligne de nos accords. J’en fais mon affaire.
Maître Yakafokon : Le ciel vous entende Mademoiselle Tapedur ! Maintenant, rompez !
Euh… attendez Marguerite, un dernier point, qu’est-ce que cette histoire de râteau d’or dont paraissent se pourlécher vos élus CFE-CGC
Marguerite Tapedur : Oh rien Maître ! Euh… peu de choses… Une mauvaise plaisanterie je pense… Rapport aux procédures que je lance à chacune de leurs désignations de délégués syndicaux, de responsables syndicaux….
Maître Yakafokon : (l’interrompant) Tiens donc, et de quoi devrait-on rire ?
Marguerite Tapedur : Oh rien de drôle ! Cette maudite justice leur a parfois accordé raison…
Maître Yakafokon : Parfois accordé raison ? Parfois accordé raison ? Vous vous foutez de mon avenant visage ? Pensez-vous que j’ignore que vous avez à ce jour perdu 100% de vos procédures abusives et compulsives ? La lose Marguerite, la lose, la honte, l’opprobre soit sur vous ! La lose, la guigne et le guignon, la poisse, la calamité… Hou…hou… hou…
Marguerite Tapedur : (éclatant en sanglots) Arrêtez Maître ! Je connais mes faiblesses et mon addiction pour les prétoires mais je la vaincrai, je vous le jure. J’ai déjà engagé…
Maître Yakafokon : (soudainement apaisé et presque compatissant) Et quoi donc ma petite mésange ?
Marguerite Tapedur : Eh bien, une thérapie comportementale, l’hypnose, les bains chauds… Je m’adonne aussi à la méditation transcendantale, au yoga sur chaise, au CBD et je m’offre même un petit chichon une fois par semaine pendant The Voice…
Maître Yakafokon : (reprenant déjà ses esprits et sa nature acariâtre) Faites ce que vous voulez Marguerite mais que cessent ces râteaux… euh… ces échecs permanents qui finiront par ternir mon inestimable aura…
Savez-vous quand et où se tiendra cette fameuse et fumeuse cérémonie du Grand Prix International du Râteau d’Or ?
Marguerite Tapedur : Non… je l’ignore mais je visite chaque jour leur site et « ils » ne manqueront pas de fanfaronner à ce sujet. Ça pour communiquer, ils communiquent…
Maître Yakafokon : Laissez-moi maintenant Marguerite, laissez-moi. Vous m’avez épuisé. Et n’oubliez pas de me prévenir de la date de cette cérémonie…
Si vous avez apprécié cet article, il vous suffit de taper “Yakafokon” dans la barre de recherche de ce site pour retrouver instantanément ses précédentes interventions…
😂c’est trop fort cet article ! qu’ils le lisent surtout !
EXCELLENT !!!!!!!!!!
bon est ce qu’on parle de la Vache Marguerite?
vous avez la réf ?
article qui fait du bien 😂
Très drôle et subtil. Fan 😎.
Vivement l’écriture d’une pièce de théâtre et la 1ere représentation.
Merci d’oser dénoncer l’absence de dialogue social voulu par le COMEX qui donne le ton aux différents CODIRS des filiales du groupe
Espérons que votre opposition au « YAKAFOQUON « aura une résonance auprès de tous les permanents du groupe.
Merci pour votre investissement et vos convictions
Merci Zizou,
Écrire une pièce de théâtre ne me semble pas poser de problèmes particuliers mais il resterait encore à trouver le réalisateur et les acteurs bénévoles.
Théâtre et sketches d’entreprise constituent d’excellents vecteurs pédagogiques, de nature à marquer positivement les esprits.
Oh ben bénévoles ça on sait faire quand on travaille chez Adecco 😋 !
Génial ! on s’y croirait! belle pièce de théâtre, vivement la prochaine scène !
Les honorables correspondants ! J’adore !!!
Et la Directrice de la Magnificence du Genre Humain, il n’y en a pas chez Adecco ou j’ai loupé un truc ?
Maitre donnez nous un bon PSE avec des gros chèques de départ
s’il vous plait !
Très bien écrit, c’est à mourir de rire ! Mais triste réalité tout de même…
Mdr qu’est ce qu’elle prend Marguerite !
La pièce de théâtre ça serait sympa, je suis partante
J’ai fait pas mal de théâtre amateur et de l’impro
Les honorables correspondants je crois que je devine. C’est excellent ! Les voilà rhabillés pour le printemps et l’été
Marguerite celle qui…. (à toi de trouver la rime)