L’article publié sur le site de nos amis CFE-CGC Manpower est intéressant à double titre puisque, d’une part, il expose clairement l’objectif sinon le fantasme de la plupart des grandes entreprises : un activité sans salariés ou presque, et d’autre part il est annonciateur des grands changements d’organisation à venir grâce ou à cause  d’une digitalisation volontariste de nos employeurs respectifs. A lire attentivement et à bien retenir si nous souhaitons comprendre les grandes restructurations qui nous attendent à moyen terme.

Manpower : la face cachée de l’intérim numérique

L’entreprise mise énormément sur la numérisation des services à l’attention de ses clients et intérimaires. L’entreprise axe d’ailleurs sa communication sur la modernisation de ses relations
et promet les plus belles avancées : information en temps réel,
rapidité de traitement, accès à des services personnalisés… C’est la
logique du « en un clic » avec « mon Manpower » au bénéfice des
intérimaires et des e-services au bénéfice des clients.

Si nous,
CFE CGC, reconnaissons les enjeux et les opportunités de la
numérisation, cela ne doit pas nous empêcher de souligner les
contradictions d’une stratégie numérique qui ne met pas les priorités là
où elles devraient être. Aussi, bénéficie-t-elle réellement aux
salariés, qu’ils soient intérimaires ou permanents ? L’homme reste-t-il
au cœur des relations ? C’est la source d’une frustration que nous
tenons à partager. La puissance du numérique pourrait être en effet
mieux utilisée.

Visite guidée des incohérences et menaces que le
quotidien nous enseigne et qui illustrent un certain degré de
méconnaissance de la réalité des usages.

Gains pour nos clients et la relation commerciale ?

La
première de ces incohérences tient dans le décalage que nous constatons
entre la promesse d’e-services faite aux entreprises et la réalité des
déploiements. Quelles avancées pouvons-nous aujourd’hui constater pour
nos clients alors que ceux-ci sont très demandeurs en solutions
intégrées et sur mesure ? La standardisation a ses limites, il faut que
les solutions numériques répondent aussi aux besoin spécifiques de nos
clients.

En dehors d’un arrosage compulsif et « vitaminé » en
courriels pour la diffusion d’actions commerciales, pour une enquête
qualité, pour confirmer la prise en charge d’une commande, de quoi
bénéficient réellement nos clients ? Ne restent ils pas en attente de
proximité et de disponibilité plutôt que d’avoir le sentiment de faire
de l’e-commerce ?

Nous craignons que cette standardisation de la
relation commerciale ne réponde pas aux besoins spécifiques de nos
clients et menace la fonction commerciale. N’avons-nous pas à déplorer
le recours croissant à des prestataires extérieurs pour le traitement de
nombre d’actions.

N’est-il pas aberrant de constater que notre
force commerciale ne soit toujours pas munie de smartphones, de
tablettes ou d’ordinateurs portables ? Heureusement, le ridicule ne tue
pas. Nous sommes bien loin du « en un clic ».

Gains pour nos candidats et nos intérimaires ?

C’est
clairement sur le déploiement de « mon Manpower » et de solutions
numériques envers les intérimaires que la stratégie digitale a été
orientée. C’est une avancée pour le salarié qui en fera usage. Mais ce
comportement est-il si généralisé ? Notre salarié intérimaire
n’attend-il pas, lui aussi, plus de relations ? Les études montrent que
les intérimaires recherchent avant tout de la proximité non numérique.

À
défaut et a contrario, le numérique prenant corps au sein du projet
envergure, nos candidats et intérimaires subissent de plein fouet la
fermeture de nos agences et la compression de nos effectifs.

Gains pour les permanents ?

Dans
cette ère du 2.0, les permanents se voient proposer quasi
quotidiennement une nouvelle fonctionnalité, un nouveau portail et une
nouvelle approche de leur métier.

Sommes-nous là dans une réelle
démarche de progrès favorisant l’expression des talents et promouvant le
droit à la création et l’initiative ?
Nous pensons au contraire
que nous tendons vers une automatisation, une standardisation et une
rationalisation dangereuses de nos pratiques.

Nous constatons
aussi un décalage criant entre la quête de modernisation de l’entreprise
et le manque d’ergonomie de certains outils, voire l’obsolescence de
certains supports de travail.

L’outil « vente push » en est
l’illustration la plus parfaite. Le processus est lourd et ne tolère pas
le moindre écart par rapport à un référentiel. Plus de souplesse
contribuerait à améliorer le rapprochement entre l’offre et la demande.
Un gain d’efficacité d’autant plus grand que les nouveaux profils
seraient intégrés plus rapidement dans la base.

Que dire de
l’application d’espace commandes ? Le travail de saisie est alourdi,
standardisé et bien des permanents sont amenés à déployer de multiples
stratégies de contournement. Combien servent une commande grâce à leur
talent de recruteur et se voient contraints de saisir après coups pour
que les indicateurs soient bons au nom du saint taux de service qui ne
reflètent finalement plus rien.
Que dire d’« action cash » et des grandes difficultés d’appropriation du réseau, avec, comme par hasard, une augmentation simultanée de la provision pour créances douteuses ?

Est
il acceptable de constater simultanément à ces supposées avancées que
le système informatique en agence « mouline » de plus en plus et que
nous continuions à utiliser un portail hors d’âge ? Les permanents du
réseau sont pénalisés au quotidien et même parfois bloqués pour
travailler. La productivité du réseau en pâtit sans que cela ne soit
pris en compte dans les indicateurs chers a l’entreprise et les
conditions de travail se dégradent. Nous restons dans l’attente, à ce
sujet, du rapport informatique.
Ces évolutions des applications
sont incontournables mais quid de la non moins nécessaire autonomie des
utilisateurs ? Pour progresser dans l’efficacité du service, autant que
l’approche soit partagée entre ceux qui conçoivent les applications et
ceux qui les utilisent en interne. Tout le monde y gagnerait. Cependant,
encore faudrait-il que la formation des permanents soit assurée. Au
lieu de cela, la formation est, elle aussi, munérisée (espace
compétences) ou bien donnée en pâture aux DS et RA qui n’ont pas
forcément la pédagogie nécessaire. On ne cherche plus à savoir si on a
compris mais plutôt si on a complété sa formation. Ainsi, se dédouane
l’entreprise. Au final, les permanents ont souvent le sentiment de
pénétrer dans une salle des machines lorsqu’ils franchissent la porte
de l’agence et beaucoup se sentent perdus ou étouffés au cœur de cette
jungle numérique.
Dans cette jungle, si les communications
paraissent plus rapides et le partage d’infos plus efficace, nous nous
posons la question de la sincérité de bien des échanges. Si on n’a pas
son Planet ou son Google+, si on ne « like » pas a cet endroit,
on n’utilise pas sa fiche « Partir en mission ». On n’est pas dans le
coup. La puissance des réseaux sociaux et du numérique est certes
incontestable mais pouvons-nous pour autant attester que notre
communication et nos conditions de travail en sont aujourd’hui
améliorées ? Nous nous interrogeons sur la place de l’homme au sein de
l’entreprise et du droit à la différence.

Le véritable pari digital

Une
excellente vitrine de la capacité de Manpower à créer les conditions
d’une nouvelle organisation numérique du travail serait d’ouvrir une
réflexion sur le télétravail dans l’entreprise mais la direction le
refuse catégoriquement. Autres points à peut-être interroger ?

Digitalisation,
automatisation, amélioration supposée de la productivité,
déshumanisation et fermeture d‘agence. Après tout, le numérique n’est il
pas une composante du plan Envergure.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici