Un salarié automate à bout de souffle, démotivé d’aller travailler. Dessin original de Charles Monnier ©Cadremploi

Les études se suivent et enfoncent le clou. Le travail dans l’esprit des Français, c’est important mais pas vital. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est équilibrer boulot et vie perso. Une tendance au « Travailler moins, quitte à gagner moins » qui désorganise les entreprises. Au point de « bordéliser » le marché du travail pour reprendre le mot d’un ministre (tiré du Larousse : verbe transitif. Populaire. Mettre en désordre, désorganiser) ?

La vie d’abord, le travail ensuite

Les études se suivent et confirment la tendance. Dans leurs dernières livraisons respectives, la Fondation Jean Jaurès, le roi des think tanks socio-démocrates, et Manpower, le roi de l’intérim (mais pas que) font plus ou moins le même constat : entre les Français et le boulot, c’est la grande bouderie. C’est simple, en quelques années, le rapport au travail s’est radicalement inversé :

  • En 2008, 62% des salariés français affirmaient aux sondeurs qu’ils préféraient gagner plus, même au détriment de leur vie personnelle.
  • Aujourd’hui, 61% d’entre eux pensent exactement l’inverse (source Ifop pour la Fondation Jean Jaurès)

En 15 ans, le travail a perdu sa place centrale.

Les salariés rêvent de semaine de 4 jours

Alors, quand l’un des auteurs de la dernière note de la Fondation Jean Jaurès affirme que :

Le nouveau rapport au travail des Français se manifeste avant tout par sa place moins centrale dans leur vie et s’inscrit dans une transformation globale des symboles de réussite professionnelle.

Flora Baumlin et Romain Bendavid, note du 23/1/2022 “Je t’aime, moi non plus, les ambivalences du nouveau rapport au travail”

… on pense à l’expression « doux euphémisme ».

Mais comment ces Français qui veulent en faire moins comptent-ils s’y prendre ? Manpower leur a posé la question, et ils envisagent deux solutions :

  •  Plus d’un tiers (36%) sont partants pour passer à la semaine de 4 jours et travailler à ce rythme moins soutenu. Sans pour autant être trop gourmands, puisqu’ils sont prêts à accepter une baisse de salaire de 5%.
  •  Pour bosser moins, un autre tiers de ces salariés sont prêts à chercher un nouveau job afin de ralentir.

La reconnaissance, l’ingrédient négligé

Mais alors comment se fait-il, en ces temps plombants, où l’inflation galope, où le pouvoir d’achat fait une syncope, que les salariés envisagent de baisser leur temps de travail et leur salaire ?

La réponse se lit dans une autre étude réalisée pour Solutions Solidaires par l’Ifop : 42 % des salariés considèrent que leur surinvestissement au travail passe inaperçu.

L’un des talons d’Achille est le manque de reconnaissance. Ce sentiment est plus marqué pour les Français que pour les Allemands ou les Britanniques par exemple.

Romain Bendavid, co-auteur de l’étude, dans une interview aux Echos

Et si, justement, l’inversion des priorités des Français était une conséquence de ce manque de reconnaissance ? Quand l’entreprise ne remercie pas ou peu, à quoi bon s’investir ?

Urgence “raison d’être”

Et d’ailleurs, quand l’entreprise n’arrive pas à définir pourquoi ses salariés pédalent, à quoi bon rester ?

 C’est l’idée que défendent Eric Braune et Pascal Montagnon dans une tribune parue dans Forbes. Ce qui décourage les salariés de s’engager, c’est le manque de vision à long terme des entreprises.

Pourtant, insistent-ils, les volontés d’engagement et d’actions collectives n’ont pas disparu chez les salariés, y compris chez les jeunes. C’est le projet sociétal de l’entreprise qui n’inspire pas :

Le sens du travail disparaît parce que l’entreprise renonce à son rôle privilégié de moteur du changement sociétal.

Eric Braune, professeur associé à l’Essec, et Pascal Montagnon, directeur de la chaire de recherche “Digital, data science et intelligence artificielle” de Omnes Education

Parce que oui, l’entreprise est un acteur de la Cité et peut avoir un rôle sociétal, comme le rappelait utilement la présidente de l’Association des DRH dans cette interview Audrey Richard, DRH chez UP : « Etre DRH, c’est aussi s’engager pour la cité »

Travailler oui, mais pour quoi faire ? Qu’est-ce que mon entreprise apporte à la société ? Et quel est mon rôle dans ce projet ?

Tant que les entreprises n’auront pas réussi à définir leur raison d’être, il ne faudra pas s’étonner que les salariés aient de plus en plus de mal à comprendre ce qu’ils y font. Et cette tendance au « moins travailler» continuera de poser quelques menus problèmes aux entreprises et à leur DRH.

Car tenter de recruter avec pour seule valeur les chiffres, les objectifs et le fantasme des winners qui s’acharnent H24, parait aussi peu au goût du jour qu’un Minitel au temps du web 3.0.

Quant au gouvernement, qui tente de réformer la retraite en augmentant le nombre d’annuités (quelles que soient les raisons invoquées), il joue de malchance sur le timing. Ce n’est pas le bon moment au vu des évolutions de la société, au vu des sondages non plus. Reste que ces derniers fluctuent, autant que les tentatives de réformes depuis 1995.

Source : Cadremploi

3 Commentaires

  1. c’est certain que chez Adecco, ce n’est pas la reconnaissance qui étouffe nos DZ. Après l’avoir indiqué dans nombreux EA, j’en ai pris mon parti et effectivement, je travaille maintenant pour ce que je suis payé (et ca fait pas lourd) et mon niveau d’investissement est au même niveau que leur niveau de reconnaissance 😉 Comme ca pas de jaloux

  2. Fini la complaisance. Il y a longtemps que je travaille uniquement mes heures, mais l’investissement quotidien n’est pas reconnu, surtout quand on assume en sus les fonctions que le manager e veut pas.
    L’entretien annuel a été sanglant

  3. En tant que manager je préserve mes équipes et moi même
    Parce que de toute façon il n y aura rien au bout
    Pas d heures sup ou récupérées obligatoirement aménagement des horaires , télétravail si besoin et pas de pression inutile du bon sens en fait
    Trop de DA sont dans un état d esprit ancien avec heures non stop et pression
    Pour quoi au final ?
    Des clopinettes
    Fini la fête

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