A défaut de semaine des quatre jeudis, vieux rêve enfantin parfaitement irréalisable, le projet d’accord “temps de travail” chez Adecco, que nous avons refusé de signer pour de solides raisons, selon nous – cf. notre article “Désaccord sur le temps de travail” -, prévoit explicitement une expérimentation de la semaine de 4 jours. Page 7 de l’accord en question, il est en effet précisé que : “A titre expérimental, la société Adecco France, soucieuse d’innover en matière sociale et de prendre part aux évolutions sociétales, a décidé de mener une réflexion en vue de la mie en place d’un pilote visant à organiser le temps de travail réparti sur 4 jours. La société est en effet convaincue que cette organisation peut contribuer à l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle des collaborateurs.” Jusque-là, rien à redire et c’est sans doute la modalité la plus sexy de ce projet d’accord, celle en tout cas la plus souvent évoquée spontanément par nos collègues lors de nos visites d’agences ou à l’occasion d’échanges téléphoniques.

Les avantages pour les salariés de la semaine de quatre jours apparaissent évidents : meilleure conciliation entre temps de travail professionnel et personnel avec, à la clef, une baisse constatée du niveau de stress, d’épuisement professionnel, de fatigue, des troubles du sommeil… Bref, une amélioration du niveau de santé mentale et physique si l’on en croit les analyses et études disponibles à ce jour, notamment britanniques et irlandaises, ces deux nations ayant déjà développé la semaine de quatre jours à grande échelle. Et puis, très concrètement, imagine-t-on la qualité de vie et le confort d’une journée non travaillée en semaine ? Pouvoir sereinement assurer les rendez-vous médicaux pour soi ou les enfants, aller chez le coiffeur, pratiquer son sport ou loisir préféré, jardiner et bricoler chez soi, faire ses courses sans empiéter sur le week-end, se balader, lire, regarder le film ou le replay que l’on n’a pas eu le temps de visionner, visiter ses parents et amis, gérer son administratif et effectuer des démarches d’ordre personnel, faire du vélo ou suivre des cours de samba, cuisiner ou tout simplement s’offrir une sieste réparatrice, etc. La semaine de quatre jours c’est l’avantage d’une semaine sur le mode 4/5ème mais avec un salaire complet, ce qui change tout.

Cerise sur le gâteau pour les employeurs, la semaine de quatre jours contribue à une meilleure productivité et à la baisse significative du niveau d’absentéisme et de turnover dans les entreprises l’ayant adoptée voire généralisée.

Une difficile mais incontournable évolution

Mais ce tableau idyllique ne saurait occulter les difficultés de mise en œuvre d’une telle organisation, notamment dans de petites structures telles que celles que nous connaissons (agences, Hubs, etc.), avec les prévisibles difficultés potentielles à assurer la continuité de service, une réorganisation du travail avec modification de la répartition des tâches et un problème de surcharge dans les plus petites des structures. Il est évident que la conjonction de la semaine de quatre jours, du télétravail et de l’absentéisme naturel (maladie, congés, réunions…) rend de plus en plus complexe l’organisation du travail dans ces structures de dimension réduite.

A l’évidence et malgré les difficultés, la semaine de quatre jours fera à l’avenir partie, tout comme le télétravail, des grandes évolutions du monde du travail. Chez Adecco, l’expérimentation en cours et qui devait théoriquement prendre fin au 31 décembre sera prolongée en 2024 et, à travers les propos tenus par notre direction dans les instances, nous pressentons une sorte de rétropédalage discret, une furieuse envie de laisser le temps au temps et de plutôt mettre l’accent sur les inconvénients de ce type d’organisation. Des remontées terrain feraient état, selon elle, de difficultés voir d’incompatibilités plus ou moins rédhibitoires. La semaine des quatre jours serait-elle morte-née chez Adecco ? Ne s’agissait-il que de rendre le projet d’accord “temps de travail” plus attrayant et d’occulter ainsi sa face sombre, l’annualisation du temps de travail (voir notre article cité plus haut) . Nous ne pouvons et ne voulons y croire.

Dans un univers du travail en voie de bouleversement avec un niveau de productivité jamais atteint, une digitalisation galopante, l’automatisation de tout ce qui peut l’être, la robotisation, la déferlante de l’IA… comment pourrait-on justifier un avenir qui ne puisse s’imaginer autrement que rivé cinq jours par semaine à un bureau, dans des locaux d’entreprise ? Et comment justifier aussi cette exclusion des cadres en forfait-jours de la semaine des quatre jours ? Ont-ils à ce point fauté dans une vie antérieure qu’il faille à ce point les pénaliser sur ce point aussi ?

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