L’importance accordée actuellement par la direction à la méthode Birkman de mesure et d’évaluation de la personnalité, mérite de s’y arrêter un instant, ne serait-ce que pour en appréhender les potentialités et limites. Conçu dans les années 1940 par un ancien pilote soucieux d’améliorer la procédure de sélection des pilotes de chasse, le test en question, d’origine américaine, comme la plupart des approches de ce type, s’avère relativement peu employé de ce côté-ci de l’Atlantique. En France, notamment, nombreuses sont les entreprises privilégiant plutôt le MBTI, le SOSIE, le PAPI ou le Big Five (OCEAN). On peut donc déjà s’interroger légitimement sur le choix du test Birkman.
Son concept a peu a peu évolué pour devenir un outil de mesure de l’évolution comportementale, professionnelle et de gestion de carrière basé sur la « mesure » des attentes professionnelles et sociales de chacun, ses valeurs individuelles, son comportement sous stress, ses pôles d’intérêt et ses comportements-types. Ce test, cette méthode appliquée encore aujourd’hui dans de nombreuses universités et grandes entreprises aux USA permettrait, en principe, d’en savoir plus sur soi-même et son fonctionnement.
Quoiqu’il en soit, le test Birkman, aujourd’hui essentiellement utilisé en gestion de carrière, promet, selon ses promoteurs, d’identifier les centres d’intérêt, atouts professionnels et le style du vie du salarié évalué avec, pour ambitieux objectif, l’identification des familles d’emploi dans lesquelles celui-ci devrait le mieux s’épanouir et par conséquent réussir. Au final et dans un monde idéal, il s’agirait d’aligner l’orientation professionnelle avec les atouts professionnels, les centres d’intérêt et le style de vie du collaborateur testé. Vaste et louable ambition.
La mesure et l’évaluation des attentes professionnelles et sociales, des valeurs individuelles, du comportement sous stress, les pôles d’intérêt et des comportements-types permettent la délicate mise à jour d’éventuelles contradictions, des potentialités mais aussi des failles du salarié. Pourquoi pas, mais à quelles fins ? Cet outil s’inscrit-il dans une démarche réfléchie et formalisée de gestion des carrières ? On sait le sujet des tests de personnalité controversé depuis toujours et dont l’application pose davantage de questions qu’elle n’y répond. Que veut-on mesurer ? Pour quelle finalité ? Que mesure-t-on vraiment ? Est-ce l’outil le mieux adapté pour cet objectif ? Qui l’administre et en assure la restitution ? A-t-il la formation, le recul et l’expérience requis ? Quels sont les biais à prendre en compte ? A-t-on vraiment une gestion de carrière à proposer au collaborateur évalué ? A terme, que deviendront ceux dont le test mesurera des écarts jugés excessifs entre le profil requis pour son poste et la restitution de ses résultats au test ?
Un mot rien que sur les biais. Ils sont multiples, à commencer par le biais linguistique si l’on se réfère à la traduction des différents termes américains, transposés plus ou moins fidèlement et parfois approximativement en français. Sans oublier le moment auquel se passe le test, la saison même, l’endroit, l’état psychique et émotionnel du moment, le lieu de passation, le niveau de stress, la forme physique, l’incidence des aléas de la vie familiale et personnelle du moment, l’état de santé physique et psychique à l’instant de l’épreuve, l’histoire du vie du sondé et ses expériences passées des tests, évaluations et examens, sa capacité à gérer le stress, etc. Toutes notions parfaitement connues des professionnels des sciences humaines, notamment des psychologues du travail, et qui doivent amener à des trésors d’humilité. Nous sommes face à la grande, très grande complexité. Comme le disait, non sans humour, mon prof de psychologie, se poser à chaque instant la question : “à quoi qu’on joue ?”.
Les quelques synthèses que nous avons pu parcourir nous amènent à exprimer les plus grandes réserves, non seulement à l’égard de l’outil lui-même mais aussi et surtout quant à l’analyse, l’utilisation et l’exploitation des résultats qui peuvent en être obtenus. Méfions-nous des jugements hâtifs, catégorisations hasardeuses et simplifications réductrices : il en va de l’emploi et de la carrière de nos collègues. Il nous semble important de revenir prochainement sur le sujet. En attendant, n’hésitez pas à nous faire remonter vos remarques et expériences sur le sujet.
Un test pour assurer une carrière dans le groupe ou à l’externe ?