X est trader dans une grande -grande- banque et qu’il a accepté de témoigner anonymement sur Finanbulles.
 
Aujourd’hui, il nous parle de ses conditions de travail -stressantes!-, de la notion de morale dans la finance -ha, bon, il y en a une?- et des bonus -ça pour y en avoir, y’en a!-.
Cette série rencontre un franc succès et vous êtes nombreux à me poser la question suivante et savante: mais comment, diable, fait-on du profit avec des taux d’intérêts?
Figurez-vous que je me pose moi aussi la question et que le trader masqué va revenir pour nous l’expliquer
.
Mais je vous préviens: il va falloir se concentrer!
Mais pour l’heure, place à la seconde partie de notre entretien.
A quoi ressemble tes journées ?
J’arrive à 8 heures du matin devant mes machines : neuf écrans, cinq ordinateurs et deux claviers. J’ai également une plate-forme téléphonique avec des hauts parleurs, ce qui fait que je peux mener plusieurs conversations en même temps. Bien sûr , j’ai une ligne continue avec les principales places boursières : New-York, Londres, l’Allemagne ou l’Espagne. Pour entrer en communication avec l’un de mes interlocuteurs, je n’ai qu’à appuyer sur un bouton. C’est une ambiance très bruyante puisque tous mes collègues travaillent ainsi dans la salle de marché. Il y règne un brouhaha permanent. Quand je suis arrivé, j’ai mis quinze jours à m’y habituer.
Et le rythme ?
Rapide ! Très rapide ! Il faut toujours être derrière ses écrans. A tel point que quand on doit s’absenter pour acheter un sandwich ou aller aux toilettes, on demande à un collègue de faire le quart. Il faut toujours savoir ce que fait le marché. La base du métier de trader, c’est l’information. On doit savoir la capter, la trier et l’analyser pour prendre les bonnes décisions le plus rapidement possible. Notre métier est de trouver l’information pertinente et d’anticiper le marché.
C’est stressant, non ?
Oui, car les marchés fonctionnent 24 h sur 24 ! Quand l’Europe s’éteint, ce sont les Etats-Unis puis l’Asie qui s’éveillent. Quand j’arrive le matin, il s’est forcément passé quelque chose dans la nuit. Qui a fait quoi dans le marché ? Voilà, la question que je me pose chaque matin. Suivent une quantité de coups de fil, de mails, de dépêches Reuters et Bloomberg pour y répondre. Et en même temps, il faut que j’élabore une stratégie pour gérer les risques que j’ai dans mon portefeuille. Les positions que j’ai prises évoluent et je dois être très réactif : tout peut se jouer en 30 secondes. Si j’ai commis une erreur, je dois l’accepter et surtout, je dois être capable de réagir très vite pour limiter les dégâts.
Quel est le montant des sommes que tu manipules ?
Plusieurs centaines de millions voire plusieurs milliards de dollars en nominal. Mais, concrètement, les sommes échangées portent sur les intérêts. Donc, par exemple, 3% d’intérêt annuels sur un milliard de dollars, ça fait 30 millions de dollars.
C’est énorme !
Oui, c’est pour cela qu’il faut se tenir à une stratégie. Surtout quand on spécule ! Dans ce cas, on doit absolument anticiper les variations du marché pour en tirer profit. D’ailleurs, on utilise des outils de modélisation qui nous signalent les situations intéressantes.
Justement, penses-tu que les marchés fonctionnent de manière rationnelle ?
Le marché fonctionne car il rassemble une multitude d’acteurs qui ont des intérêts variés. On peut dire que le marché est rationnel dans le sens où il reflète ce que les acteurs pensent d’une valeur : il exprime leur position. C’est comme le prix d’une paire de chaussures : elle a la valeur qu’on lui donne. Sur les marchés financiers, c’est pareil.
Les prix fixés par le marché sont toujours les bons prix alors ?
Pas forcément. Le danger surgit quand tout le monde pense la même chose: l’effet moutonnier engendre un dysfonctionnement. C’est là que le trader doit être bien informé : est-ce que les prix fixés par le marché sont cohérents ? S’ils ne veulent rien dire et si je ne pense pas comme le marché, alors je peux en tirer partie. C’est à ce moment-là que je spécule. J’anticipe une tendance, qui, si elle se réalise, me fera gagner de l’argent.
Que penses-tu de la notion de « morale » appliquée au marché ?
Le fondement de la finance, c’est la rentabilité. C’est normal : quand un acteur prend un risque, il doit être rémunéré pour ce risque, sinon il ne le prend pas. Donc, la seule justification morale des marchés, c’est le rapport entre le risque et le rendement. Tu vas sur les marchés pour faire du profit. Un point c’est tout.
Et toi, là-dedans ? Penses-tu avoir une responsabilité ou une influence sur le fonctionnement des marchés ?
Moi, en tant que trader, je peux bien sûr participer à un décalage de marché. C’est-à-dire que je peux participer à alimenter une tendance, à la hausse ou à la baisse. Quand je spécule dans une direction et que de nombreux autres spéculateurs font de même, alors on envoie un signal déclencheur qui peut entraîner une réaction en chaîne. Mais la responsabilité de ce mouvement sera collective. 
Et les bonus ?
Je pense que les montants sont justifiés pour un trader comme moi, qui rapporte directement beaucoup d’argent à sa banque. Pour forcer un peu le trait, on trouve bien normal qu’un agent immobilier ou un vendeur de voiture ait une partie de son salaire indexée sur ses résultats. Nous, on fait un métier très rentable pour la banque, qui comporte beaucoup de stress et de responsabilités. Les bonus font partie de notre boulot! Et puis, tu sais, je n’ai pas un train de vie aussi élevé qu’on l’imagine. L’argent que je gagne me sert à payer l’emprunt de mon appartement. 

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