Comme toute pièce de théâtre à succès qui se respecte, une
négociation paritaire a ses règles, ses codes auxquels aucun des acteurs
engagés
ne peut déroger. Et la renégociation en cours de la convention
d’assurance
chômage, qui doit arrêter les conditions d’indemnisation des demandeurs
d’emploi
pour les trois ans à venir et dont la dernière séance est programmée le
13 mars, l’illustre parfaitement bien. Comme d’ailleurs celle qui vient
d’ailleurs tout juste de se boucler sur les contreparties au pacte de
responsabilité.
Primo, une négociation a toujours peu de
chances d’aboutir
quand on regarde les positions initiales des uns et des
autres. Dans le cas d’espèce de la négociation d’assurance chômage, il est acquis que la CGT ne participe pas aux
discussions pour signer le projet d’accord final et que FO présente, comme toujours, un
visage assez fermé sans véritablement donner l’impression de vouloir s’engager.
La CFDT ne veut pas qu’on rogne le moindre droit des chômeurs et refuse qu’on
s’attaque au régime très généreux et déficitaire des intermittents. Quant au
Medef
, il a appâté la galerie en martelant sa volonté de résorber en
3 ans le déficit annuel, via une réduction des dépenses. Donc les
droits des chômeurs.

Secundo, le texte proposé par le Medef en milieu de
négociation est un avant-projet d’accord qualifié de «martyr»
. C’est-à-dire dont
les mesures présentées n’ont pas vocation à être retenues mais permettent
aux syndicats de jouer les vierges outragées. «Le Medef doit en finir avec les jeux de
rôle et commencer à dévoiler ses vraies propositions»
, entend-on ainsi,
systématiquement, à ce moment clé de la négociation. Cette fois-ci, Éric Aubin,
le négociateur de la CGT, a ajouté une petite touche supplémentaire en
déchirant, devant les caméras de télévision, par deux fois pour être sur que son geste avait été bien filmé, le projet du Medef
. Résultat, il y
a peu de chances que la durée d’indemnisation des chômeurs soit au final
modulée en fonction du niveau de taux de chômage ou que le régime des
intermittents
soit supprimé.

Tertio, la dernière séance de négociation
(programmée le 13 mars)
doit être entourée d’une extrême tension –
avec claquements de portes, interminables interruptions de séances,
envolées lyriques multiples de la CGT pour dénoncer un texte qui «réduit les droits des chômeurs» – pour donner le sentiment que jamais un accord ne
pourra être dégagé dans les temps entre les protagonistes. Surtout, cette «der des der» doit
s’éterniser et, si possible, se conclure au milieu de la nuit, voire nécessiter
une séance supplémentaire le lendemain qui, elle-même, se conclura fort tard.
«Si on sort de la salle avec un projet d’accord en milieu
d’après-midi, nos militants considèrent que l’on n’a pas tout donné pour
défendre leurs droits et
donc, en discutant plus, qu’on aurait pu arracher des concessions
supplémentaires au patronat»
, rappelle un habitué des négociations
sociales.
Quarto, un accord est au final toujours
trouvé
, in extremis même si certains non-signataires tentent de retarder au
maximum la sortie. Il est ainsi classique que la délégation CGT, à ce moment
précis, demande une ultime interruption de séance de forme pour faire durer le
«suspens». Car, en vérité, la trame générale du projet d’accord de fin de négociation est
généralement écrite depuis quelques jours. Elle a été calée, la plupart du temps, dans des réunions
bilatérales entre le Medef et la CFDT qui ont validé, ensemble, les points
principaux du texte. Ne reste donc que les petits détails à fixer et les virgules à placer sur le texte. Et c’est tout
l’enjeu, de fond, de la dernière séance de négociation.
Il est fort probable que la fin de cette
renégociation de la convention d’assurance chômage
, dans une
semaine, se déroule de la sorte et
qu’un accord, a minima, soit au final dégagé et recueille au moins trois

signatures syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC). Le Medef aurait en effet
beaucoup
à perdre en s’arc-boutant sur des positions extrêmement rigides (comme
la suppression du régime d’indemnisation des intermittents du
spectacle). Et préfèrera
donc revoir ses ambitions à la baisse sur l’assurance chômage pour ne
pas
handicaper ses chances de ne pas conclure un bon accord sur les
contreparties au pacte de
compétitivité dont la dernière séance de négociation s’est conclu, ce
mercredi 5 mars, par un accord avec la signature de la CFDT, la CFTC, la
CFE-CGC. Bref, les mêmes qui ce matin même hurlaient à la mort et
jugeaient, en l’état, le texte proposé par le Medef… inacceptable.
CQFD.

Pour mémoire, Les dessous du social avaient fait vivre en direct en mars 2011 la dernière séance de négociation de la dernière convention… Un post riche d’enseignements.

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