Confidences sur l’oreiller ou ailleurs…
Imaginons un cadre occupant chez Adecco une fonction de Directeur de zone, opérationnel, d’agence ou autre et dont l’épouse tiendrait également un poste à responsabilités chez un concurrent direct et, facteur aggravant, plus ou moins sur la même zone géographique. L’un et l’autre ont évidemment accès à une foultitude d’informations confidentielles sur la stratégie, les projets, les difficultés, la clientèle, les prospects, les conditions tarifaires, les accords-cadre… On ne peut imaginer un instant que le couple s’abstienne en permanence de toute conversation à caractère professionnel et n’échange jamais la moindre information sur leur activité commune. Sur l’oreiller ou ailleurs, leurs échanges quotidiens leur fournissent en permanence une somme d’informations et de données concurrentielles dont aucun concurrent lambda n’oserait rêver.

Comment voudrait-on qu’une telle situation n’inquiète pas leur employeur respectif ? Comment peuvent réagir les directions de ces deux entreprises lorsqu’ils apprennent les accointances intimes de l’une et l’autre ? Vrai cas d’école, surtout lorsque l’on sait la vigilance d’Adecco sur le sujet et sa propension à labelliser “confidentiel” la plupart des informations de l’entreprise, même les plus anodines. Les élus en savent quelque chose. Combien de mises à pied plus ou moins abusives n’ont-elles pas été imposées à certains cadres en partance au nom de la protection des données ! 

Cela c’est pour le raisonnement mais qu’en dit le législateur ? Au travers d’une jurisprudence constante, celui-ci estime qu’un fait de la vie personnelle ne peut caractériser une faute disciplinaire. Sauf, ajoute-t-il, si le fait reproché au salarié – d’avoir un conjoint ou une conjointe directement concurrent – s’accompagne d'”un manquement à la loyauté dans l’exécution du contrat”. Et notamment, et c’est là que les choses se corsent “Si le fait incriminé, bien que se rapportant à la vie personnelle, se rattache par un élément à la vie professionnelle et à l’entreprise, il peut alors être qualifié de faute disciplinaire” (Cass. soc., 24 juin 1998, n° 96-40.150).

Pour le dire autrement, l’existence d’un simple risque de conflit d’intérêt né du mariage du salarié ne saurait en aucun cas justifier une mesure de licenciement mais le fait de la vie personnelle peut aboutir à un licenciement pour cause réelle et sérieuse (non disciplinaire) si le salarié, par ses fonctions, a “créé un trouble caractérisé ou un préjudice à son entreprise”. Mais comment imaginer un instant que dans notre cas les entreprises concurrentes ne subissent pas le moindre préjudice ?

Le fait d’être marié ou de vivre avec une personne travaillant pour la concurrence peut donc être invoqué à l’encontre du salarié, surtout dans le cas où l’entreprise a établi une charte déontologique contre la corruption, car c’est bien de cela qu’il s’agit, annexée au règlement intérieur de l’entreprise et que cette charte oblige le salarié à déclarer tout lien familial avec une personne travaillant à la concurrence.

Le cas n’est pas fréquent mais suffisamment important pour être évoqué et mettre l’entreprise face à ses responsabilités.

2 Commentaires

  1. La direction a une fâcheuse tendance à détourner le regard quand ça l'arrange et à inventer des fautes quand ça l'arrange aussi !
    Peut-être un nouvel article dans l'humanité à envisager ?

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