Une volonté commune d’avancer mais de grandes différences d’appréciation sur les moyens à mettre en œuvre. C’est ce qui ressort de la première rencontre bilatérale entre Elisabeth Borne et François Hommeril, le mercredi 25 mai.

Comme toujours, la rencontre au sommet était préparée. Avant de recevoir à Matignon François Hommeril, président de la CFE-CGC, et Gérard Mardiné, secrétaire général, la Première ministre Elisabeth Borne avait exprimé son souhait de parler du pouvoir d’achat et des mesures prises en sa faveur par le gouvernement (prime énergie, minimas sociaux, revalorisation des retraites…)Mais le dialogue, qui a duré une heure et quart, est allé beaucoup plus loin. Réindustrialisation de la France, financement de la recherche, revalorisation de la Fonction publique, partage de la valeur, absurdité de la réforme des retraites : la CFE-CGC a exposé les grandes lignes de son programme à une Première ministre concentrée, voire convaincue par les constats.

« C’est une personne que nous connaissons bien pour l’avoir beaucoup pratiquée lorsqu’elle était ministre du Travail, dit François Hommeril. L’entretien a été à l’image de nos relations habituelles : franc, ouvert, sans langue de bois. Il est clair que Mme Borne était demandeuse de ce contact et qu’elle souhaite instaurer avec les partenaires sociaux un vrai dialogue. Elle nous a d’ailleurs demandé de lui faire suivre nos propositions sur un certain nombre de dossiers.  »

Sujet qui fâche, la retraite n’a été abordée qu’à la fin. Elisabeth Borne a mis sur la table la position du gouvernement. François Hommeril et Gérard Mardiné ont rappelé leur opposition à ce que ce soient les salariés qui paient pour dégager des marges de manœuvre, quand dans le même temps le gouffre du CICE siphonne année après année des milliards d’euros et que la logique absolutiste pro-dividendes ventile les bénéfices dans les poches des actionnaires. « Ce sont toujours les mêmes qui sont sollicités pour payer et sous cet angle, entre autres points durs, la réforme des retraites ne sera pas possible », a posé François Hommeril.

Auparavant, la Première ministre avait commencé par parler de la situation sanitaire et du contexte géopolitique en employant deux maîtres-mots : tenir bon et rebondir. Tenir bon sur le pouvoir d’achat, la transition écologique, l’école. Ce qui a amené les représentants de la CFE-CGC à aborder la recherche et la réindustrialisation. « Nous avons eu un long échange sur le déficit de financement de la recherche (les fameux 20 milliards d’euros qui manquent chaque année), la fuite des cerveaux, le manque de postes, le développement de compétences de pointe, seul moyen pour tirer vers le haut l’activité économique. »

La CFE-CGC est extrêmement favorable à la réindustrialisation. « Mais pour qu’elle se combine bien avec la transition écologique, il faut un Etat stratège qui se dote d’infrastructures opérationnelles. Faute de plan d’envergure, le saupoudrage des aides continuera à creuser les déficits sans rien régler », a exposé François Hommeril.

Autre grand volet de l’entretien : le pouvoir exorbitant des actionnaires (cf. le premier chapitre de Restaurer la confiance) : « L’économie a déraillé, il faut la recentrer, remettre du contrôle sur les partenaires financiers », dit la CFE-CGC. Elisabeth Borne a objecté que la loi Pacte avait arrangé les choses. « Oui, c’est une marche, mais c’est un escalier qu’il nous faut gravir, a répondu le président de la CFE-CGC. Et toutes les rémunérations adventices (intéressement, prime Macron…) ne remplacent pas le salaire ! ».

La passerelle était ensuite tracée vers le constat de paupérisation de la Fonction publique par la non-revalorisation chronique du point d’indice. Pour François Hommeril, « c’est une immense injustice faite aux fonctionnaires depuis 20 ans. Les augmenter relève désormais du « quoi qu’il en coûte ».

Quant au Ségur de la Santé, que la Première ministre a rappelé comme un acquis, certes il a doté l’hôpital de 12 milliards d’euros, mais, au final, il n’a rien réglé : « L’organe qui pèse sur les structures hospitalières et qui leur inflige un management basé sur la réduction des coûts est toujours présent, rappelle François Hommeril. Il faut absolument le remettre en question, supprimer les ARS, redonner de l’autonomie aux soignants et aux administrations des centres de soin ».

Un assez large spectre en définitive, qui a permis aux deux parties de faire valoir ses positions. Reste à savoir de quelles marges de manœuvre disposera Elisabeth Borne, au moins sur les constats partagés.

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