En octobre dernier, le Parlement a voté la mise en place d’un pacte senior. L’objectif est de permettre à des salariés au chômage de retrouver un emploi plus facilement, en rassurant les employeurs sur plusieurs points. Comment les cadres sont-ils concernés ? Quel peut être l’impact sur leur carrière et leur employabilité ?

Les seniors ont plus de difficultés à accéder à un emploi : en 2024, 60,4% des 55-64 ans étaient en emploi, selon la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques politiques de l’emploi et formation professionnelle), contre 82,8% des 25-49 ans.

Or, les différentes réformes politiques reculent régulièrement l’âge de départ à la retraite. L’âge à partir duquel l’indemnisation chômage est plus favorable aux seniors est aussi décalé en conséquence, ce qui « entraine pour les 53-54 ans une plus grande vulnérabilité. Pour les cadres seniors, cela peut fragiliser la transition, surtout dans des métiers où la reconversion est complexe », estime Stéphanie Grandiau, directrice des ressources humaines et directrice générale adjointe d’Isospace, société d’aménagement de bureaux.

Or, si les cadres sont moins touchés par le chômage que le reste de la population (il représente 23% de la population active mais 10% des inscrits à France Travail, selon l’Apec), les cadres seniors, quand ils se retrouvent au chômage, subissent beaucoup plus le chômage de longue durée. Pourtant, « chez Isospace, nous avons observé que certains collaborateurs arrivés à la suite d’une absorption se sont révélés très adaptables, malgré les clichés persistants, assure Stéphanie Grandiau. L’âge peut être un frein si la philosophie personnelle ne favorise pas l’ouverture et l’apprentissage », reconnait-elle, mais « ce facteur dépend davantage de la culture professionnelle et de la posture individuelle que de la date de naissance ».

C’est donc face à ces difficultés qu’est né le dispositif du contrat de valorisation de l’expérience, communément appelé « CDI senior ». Défini par la loi n°2025-989 du 24 octobre 2025, il est créé à titre expérimental pour une durée de cinq ans. Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée qui peut être signé avec un salarié d’au moins 60 ans, ou 57 ans en cas de convention ou d’accord de branche le prévoyant.

Recrutement contre mise à la retraite d’office

Avec ce contrat, les employeurs ont la possibilité de mettre à la retraite d’office le salarié dès qu’il atteint l’âge de la retraite à taux plein, sans lui demander son accord. Avant cela, il n’était possible de mettre d’office à la retraite que les salariés ayant atteint 70 ans. Cette possibilité « offre une visibilité pour l’entreprise et permet de planifier les départs », approuve Stéphanie Grandiau, mais elle reconnait que cela peut poser des problèmes aux cadres, car cette possibilité de mise en retraite d’office « peut être perçue comme une perte de liberté ». Pour que le dispositif profite aux deux parties, il lui semble nécessaire de l’intégrer « dans une logique de préparation et d’accompagnement, pour éviter toute rupture brutale ».

Elle voit dans ce dispositif un intérêt stratégique sur plusieurs plans : « répondre à la difficulté des départs à la retraite, souvent vécus comme une perte brutale de savoir-faire faute de plan structuré de transmission ; planifier sur plusieurs années la montée en compétence des plus jeunes, en s’appuyant sur des profils engagés qui peuvent jouer un rôle de mentorat ; stabiliser des postes clés (bureau d’études, chefs de projet) tout en organisant la succession. En somme, le CDI senior pourrait être un levier pour anticiper la relève et éviter la chute de la transmission des savoirs, ce qui est crucial dans nos métiers où l’expertise se construit sur le temps ».

Elle estime que le dispositif « comporte des avantages financiers (exonération partielle sur l’indemnité de mise à la retraite, allègements de charges) et une souplesse contractuelle. Mais il reste limité à des profils en fin de carrière et ne compense pas totalement les écarts de coût ou les stéréotypes persistants ». Elle pointe aussi un « risque d’effet d’aubaine pour certaines entreprises (embauche courte avant départ) » et un « impact incertain sur la lutte contre l’âgisme ».

Ce dispositif ne concerne que les embauches de nouveaux salariés, qui étaient auparavant demandeurs d’emploi. L’entreprise ne peut pas transformer le CDI d’un salarié en CDI senior quand il atteint 60 ans. La loi précise même que le salarié recruté en CDI senior ne pas avoir été employé dans l’entreprise concernée ou dans une entreprise du même groupe durant les six mois précédents.

D’autres dispositions pour les seniors

La loi prévoit d’autres dispositions pour favoriser l’emploi des seniors, notamment une réforme de l’entretien professionnel, renommé « entretien de parcours professionnel ». Mais aussi l’obligation pour les branches et pour les entreprises d’au moins 300 salariés de négocier sur l’emploi et le travail des « salariés expérimentés » tous les quatre ans, sur le recrutement, le maintien en emploi, l’aménagement des fins de carrière et la transmission des compétences des salariés seniors.

Stéphanie Grandiau explique que chez Isospace, « il s’agit déjà d’enjeux qui sont discutés avec les collaborateurs les plus âgés. La fin de carrière est un sujet important à la fois pour les salariés mais aussi l’entreprise. Cela peut encourager des dispositifs internes (mentorat, temps partiel aménagé, formation) et renforcer notre attractivité auprès des profils expérimentés ».

La loi prévoit également qu’un refus de retraite progressive par l’employeur devra être plus motivé, notamment en justifiant de l’impact sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service et des difficultés rencontrées pour recruter sur le poste concerné (si la mise en retraite progressive implique un recrutement). Enfin, il est désormais possible de conclure un accord d’entreprise, une convention ou un accord de branche qui prévoie la possibilité d’affecter l’indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération du salarié en fin de carrière s’il passe en temps partiel ou en temps réduit.

Source : Cadremploi

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