Du 14 août au 4 septembre, rediffusion du meilleur de l’année
Publié le 18 avril 2013 :

Nos lecteurs habituels connaissent bien maintenant Maître Yakafokon,
le raisonneur omniscient ayant réponse à tout et pour lequel “il n’y a
qu’à”, “il faut qu’on” et “il suffit de” tiennent lieu de raisonnement
universel. 

Récemment encore (le 1er mars dernier), il était venu nous expliquer comment prospérer aisément en période de crise dans
une entreprise passablement affaiblie par des réorganisations et des
plans sociaux en rafales.

Le 9 avril, jour du mouvement national historique chez Adecco, nous
avons surpris, à son insu, une conversation qu’il tenait avec Jean
Serrien, son fidèle collaborateur.

J.S. : Maître, Maître, c’est affreux, les salariés ne se sont pas
présentés aujourd’hui au travail. Ils disent qu’ils font grève… ils
semblent très en colère.

Maître Yakafokon : Grève ? Quelle drôle d’idée ! Que veulent ces gens ?

J.S. : Maître, ils disent vouloir défendre leur salaire et
surtout la partie variable de leur rémunération. Ils pensent qu’elle est
menacée par les nouvelles tambouilles de Zurich.

Maître Yakafokon : Mais enfin qu’ont ces salariés à toujours se soucier et ne parler que d’argent ? Est-ce que je m’intéresse à l’argent moi ?

J.S. : Hum… (silence et sourire gêné).. c’est-à-dire que vous-même, Maître… euh…ne devez point connaitre de problème de…

Maître Yakafokon : Suffit impertinent ! Vous croyez que ça
m’amuse moi de gagner de l’argent ? Qu’ai-je à faire de cet argent ?
Hein ? Vous pouvez me le dire ? Vous voulez que je vous dise ? Eh bien
j’aurais plutôt voulu être un artiste… la bohème, la misère joyeuse,
les soirées entre déjantés autour d’une bouteille de jaja (13°), la rue,
la guitare grattée entre amis autour d’un feu, la zone et sa liberté…
Hum… revenons à ce que vous appelez grève. Sont-ils nombreux à
déserter ainsi leurs agences ?

J.S. : Euh… oui Maître… rien à voir avec les grèves
précédentes… Cette fois c’est une révolte. Ils disent que la
contribution totale va leur ôter toute rémunération variable et qu’ils
vont se retrouver au fixe… Certains prétendent même gagner moins qu’il
y a dix ans.

Maître Yakafokon :  Fadaises que tout ça… Yzonka penser à autre chose qu’au fric. Satanée bande d’ingrats ! Yzonka développer 50% de business en plus et ils conserveront leur rémunération. Leur avez-vous dit ?

J.S. : : Bien sûr, Maître, mais ils disent que développer 50% de
business en plus pour obtenir le même salaire, c’est vraiment trop
difficile par les temps qui courent.

Maître Yakafokon : Leur avez-vous dit aussi qu’avec ma générosité
pathologique, je leur garantis en 2013, 70% de la part variable qu’ils
ont perçue en 2012 ? Je me saigne pour des feignasses qui ne font que
geindre sur leur sort et en vouloir toujours davantage.

J.S. : Oui, votre Magnanimité, mais certains radins maladifs
affirment que cela leur fait quand même perdre 30%… et qu’ils n’ont
rien fait pour mériter pareil châtiment. Sans compter qu’en 2014, quand
cessera votre dispendieuse générosité, il ne leur restera que leurs yeux
pour pleurer.

Maître Yakafokon : Yaka leur dire de développer des
nouveaux clients et d’augmenter largement leurs prix et de mieux gérer
avec moins de personnes dans les agences…

J.S. : Ils savent tout cela, votre Magnificence…

Maître Yakafokon : Mais alors que veulent-ils à la fin ?

J.S. : Ils parlent de juste rétribution de leur travail, de
reconnaissance, de motivation et de la nécessaire carotte qui fait
avancer…

Maître Yakafokon : Carotte… carotte… j’vais leur en mettre une de carotte mais ils vont voir où… (rire sardonique).
Tout ça, ce sont des fadaises, des billevesées… L’important c’est de
complaire à nos bon maîtres de Zurich, eux à qui nous devons l’eau que
nous buvons et l’air que nous respirons…

J.S. : Bien sûr, Maître, bien sûr, mais ne pourrait-on quand même
faire un geste et modifier quelque peu le calcul qui les désavantage
tant ? C’est qu’ils ont des familles, des projets, une carrière…

Maître Yakafokon : Deviendriez-vous communiste, Serrien, par hasard ?

J.S. : (visiblement terrorisé) Oh, Maître, comment pouvez-vous… ?

Maître Yakafokon : Sont-ils donc nombreux à faire ce que vous appelez grève ?

J.S : Hélas, oui votre Sérénité, nos fidèles relais parlent de
près de la moitié des salariés. Plus de 90% dans certaines régions…
Des centaines d’agences fermées… Cette fois, la révolte gronde…

Maître Yakafokon : Comment ? Comment est-ce possible ? Mais vous
m’avez toujours affirmé que la plupart d’entre eux accepteraient
toujours tout sans broncher… que la revendication ne les habitait
point et que la passion au cœur suffisait à les nourrir… M’auriez-vous
menti Serrien ?

J.S :  Oh ! jamais je n’aurais osé mon bon Maître… Comment
pouvez-vous penser une seule seconde… ? Disons que les temps ont
changé et que nombreux sont ceux qui estiment, bien à tort, bien
entendu, que trop c’est trop…

Maître Yakafokon : Yzonka aller bosser ailleurs ces flemmards !

J.S : Oui Maître, bien sûr, mais il nous faudra bien en conserver
quelques-un quand même. Nous en avons déjà perdu plusieurs milliers et
des centaines d’autres ne pensent, le jour comme la nuit, qu’à quitter
leur poste pour un horizon plus serein.

Maître Yakafokon : Finissons-en avec cette conversation qui
m’exaspère et écoutez bien ce que je veux que vous leur disiez. Pour
gagner sa vie chez Adecco, c’est extrêmement simple : Yaka
développer les parts de marché, piquer les client aux concurrents,
vendre beaucoup plus cher, être mieux organisés, manager plus finement,
écraser définitivement la concurrence, revaloriser les clients, les très
gros, les gros, les moyens, les petits, raccourcir les délais de
paiement, arrêter de bouffer le midi, travailler plus tard le soir… et
j’en oublie sûrement. Vous leur direz tout cela, n’est-ce-pas ?

J.S : Oui, Maître, comptez sur moi

Maître Yakafokon : Allez Jean Serrien, disparaissez, le temps presse. La conquête nous attend. Zurich l’exige !

J.S. : Oui Maître.

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