Depuis les années 1980, dans la quasi-totalité des pays occidentaux,
on assiste à un affaiblissement du syndicalisme, marqué notamment par le
déclin du taux de syndicalisation (Pernot, 2014). Cet affaiblissement
est allé de pair avec des transformations profondes du marché du travail
ayant abouti à la forte augmentation de la sous-traitance, à la
fragmentation des relations d’emploi, ainsi qu’à l’émiettement et à la
précarisation du salariat. 
Ce processus a été amplifié par les
mesures d’austérité qui, depuis la crise financière de 2008, ont été
justifiées comme son seul remède possible. Bien qu’avec des spécificités
d’un pays à l’autre, les syndicats sont alors confrontés à des réformes
structurelles qui approfondissent la remise en cause des régulations du
travail et de l’emploi, ce qui constitue pour eux un défi de taille.

Dans
les années 1990, des chercheurs ont vu dans cette période historique
les éléments d’une crise irréversible du syndicalisme, supposé incapable
de survivre au capitalisme industriel (Labbé, 1992). Pourtant, le
syndicalisme continue d’exister et d’agir, y compris dans les secteurs
d’activité où son implantation demeure difficile à organiser (Benquet,
2011 ; Béroud, 2013 ; Béroud, Bouffartigue, 2009 ; Hocquelet, 2016 et
Nizzoli, 2015). Des études récentes ont contribué au dépassement d’une
analyse en termes de crise et de déclin du syndicalisme, en se
focalisant sur les éléments qui permettent à des catégories de
travailleurs considérés jusqu’ici comme faiblement disposés à la lutte
(comme les immigrés ou les jeunes précaires) de se mobiliser pour
améliorer leur conditions d’emploi et de travail.

Le numéro 97 de la Chronique internationale de l’IRES
paru en 2005 (IRES, 2005) questionnait déjà les enjeux de la
représentation syndicale dans des contextes marqués par la montée des
emplois précaires, en se posant la question suivante : « Comment les
syndicalismes composent-ils avec l’érosion des normes sociétales qui
font de l’emploi standard un élément porteur de la structure sociale ? »
(Hege, 2005:3). 

Où en sommes-nous plus de dix ans après ?
 
En
élargissant notre questionnement au-delà de la seule relation entre
organisations syndicales et travailleurs précaires, nous interrogeons
les expériences concrètes de renouveau du syndicalisme, en examinant les
questions suivantes : quelles stratégies sont envisagées par les
organisations syndicales pour faire face aux obstacles qui leur sont
posés par les transformations du marché du travail et par leur perte
d’influence ? Quels moyens déploient-elles pour intégrer des
travailleurs tels que ceux qui opèrent dans les secteurs externalisés,
les « faux indépendants » ou encore les jeunes, les femmes et les
travailleurs immigrés ? De quelle manière le système de relations
professionnelles, propre à chaque pays, affecte-t-il ces stratégies ?

Les
relations que les organisations syndicales entretiennent avec les
acteurs appartenant à la sphère non syndicale peuvent être extrêmement
variées.

En 2017, la parution d’un numéro de la revue Transfer
(ETUI, 2017) sur les stratégies de renouveau syndical témoigne du fort
intérêt que suscite encore aujourd’hui une telle thématique dans le
débat sur le syndicalisme. En présentant des études de cas en Allemagne,
en Pologne, en France et en Espagne, les auteurs de ce numéro proposent
des exemples de renouveau syndical en mettant en lumière les défis
associés à la syndicalisation des travailleurs migrants et des
travailleurs précaires, ainsi que les différentes relations existant
entre la négociation collective, le taux de syndicalisation et le rôle
des organisations syndicales dans les instances de réglementation.

Toujours avec une visée comparative, nous souhaitons, à travers ce numéro de Chronique internationale de l’IRES,
nourrir le débat sur cette question. Néanmoins, nous avons jugé
pertinent de ne pas nous cantonner à la seule sphère syndicale, en
élargissant le champ de notre réflexion aux acteurs non syndicaux. En
effet, des solidarités entre travailleurs peuvent se créer par le biais
de collectifs ou de réseaux de travailleurs auto-organisés, parfois
éloignés de la sphère syndicale traditionnelle. Des dynamiques proches
de celles des mouvements sociaux prennent alors forme dans des
configurations où l’ancrage local des luttes dépasse le seul lieu de
travail. Les relations que les organisations syndicales entretiennent
avec les acteurs appartenant à la sphère non syndicale peuvent être
extrêmement variées. Si certaines situations sont marquées par des
formes de tension et d’opposition, on assiste dans d’autres contextes à
des collaborations plus solides avec des organisations syndicales qui
agissent comme un véritable point d’appui.

L’originalité de ce
numéro tient également à la variété des pays retenus pour la
comparaison. Sont examinés neuf pays européens (Allemagne, Belgique,
Autriche, Suède, Espagne, Italie et Royaume-Uni) et deux pays du
continent américain (Brésil et États-Unis). Pour chacun d’entre eux, on
retrace en premier lieu les évolutions récentes du rôle attribué aux
organisations syndicales dans le système de relations professionnelles.
Les réformes législatives en matière de travail sont aussi analysées
pour comprendre les effets qu’elles engendrent sur le marché du travail
(IRES, 2016) et sur les pratiques syndicales. Les expériences et les
stratégies de renouveau au plan national et local sont ensuite abordées,
ainsi que les mobilisations qui prennent forme en dehors de la sphère
syndicale traditionnelle.

Source : Miroir social

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